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Secteur public économique : la désignation des PDG des EPE par le premier ministre, peut elle mettre fin au clientélisme ?

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Tous les changements qu’on avait souhaité introduire dans le mode de désignation des dirigeants principaux (PDG) des entreprises publiques économiques afin de promouvoir la compétence au lieu et place du clientélisme n’ont, à l’évidence, pas donné les résultats escomptés. Aucune amélioration n’est à signaler de ce coté et la valse des nominations et révocations subjectives continuant aujourd’hui encore rythmer la vie du secteur public en général. La remise des entreprises publiques sous tutelles des ministères effectuée en septembre 2014 a quelque peu aggravé le phénomène du « turn over » des dirigeants principaux des EPE du fait des fréquents changements de gouvernements. Il est en effet d’usage que chaque nouveau ministre installe à la tête des entreprises relevant de son département ministériel des PDG qui leur sont dévoués. Les ministres de l’Industrie et des Technologies de la communication ont, à titre d’exemple, largement usé de cette pratique en procédant au remplacement de pratiquement tous les PDG des entreprises placées sous leurs tutelles.

Le « turn over » était si flagrant que le premier ministre a dû reprendre dès le début de l’année 2018, l’initiative des nominations et des révocations des dirigeants principaux des entreprises publiques, que lui seul est aujourd’hui habilité à effectuer. Il est évidemment encore trop tôt pour épiloguer sur les résultats de cette nouvelle approche, notamment en matière, de qualité des choix de PDG et, bien entendu, de la durée de leurs carrières à ces postes.   

Il faut toutefois se rendre à l’évidence qu’il n’y a rien de positif à attendre de ce mode de gestion rentier et clientéliste qui prévaut aujourd’hui plus que jamais,  dans le secteur public économique.  Tel que le système de nomination des PDG est en effet organisé, les compétences managériales comptent effectivement beaucoup moins que l’intimité des relations personnelles que ces derniers avaient pour habitude d’entretenir avec hautes personnalités qui les ont désignés à leurs postes. Il de ce fait très rare que des PDG soient relevés de leurs fonctions au motif de leurs mauvaises gestion. Ce phénomène que l’autonomie des entreprises avait quelque peu atténué dans les années 1990 est, comme nous l’évoquions plus haut, revenu en force depuis que les EPE ont été replacées sous le commandement des ministères.

Comme au temps de l’Algérie socialiste, les dirigeants principaux des entreprises du secteur public, sont aujourd’hui encore choisis, non pas, parce que leurs curriculum vitae ou leurs aptitudes intellectuelles les prédestinent à être de bons patrons mais, tout simplement, par qu’ils bénéficient des faveurs toutes subjectives des décideurs du moment. Il y a bien eu quelques tentatives de rationalisation du mode de nomination de PDG aux premières années de la réforme économique de 1988, mais elles ont vite tourné court du fait des fortes pressions qu’avaient subies leurs initiateurs. Ni les Fonds de participation ni les holdings publics qui leur avaient succédé et encore moins les sociétés de gestion de participations (SGP) n’avaient, à titre d’exemple, réussi à constituer ce fichier national des cadres, duquel devait être puisés en toute objectivité les candidats aux postes de gestionnaires principaux des EPE.

Il n’y avait en réalité aucune chance pour qu’un tel mode de désignation requiert l’aval des détenteurs du pouvoir politique dont le souhait est d’avoir à travers les dirigeants qu’ils ont cooptés, des personnes qui leur sont totalement dévouées. De ce fait, les PDG d’entreprises publiques ne se conçoivent pas comme des gestionnaires, mais comme d’éphémères responsables dont la carrière pourrait du jour au lendemain prendre fin, du seul fait de la dégradation de leurs relations avec la haute hiérarchie. Ces derniers en sont arrivés à redouter beaucoup plus les remaniements ministériels qui risquent de leur faire perdre leur soutien, que les résultats de leur gestion.

Les chefs d’entreprises publiques qui cumulent des déficits durant plusieurs années sans jamais être inquiétés sont de ce fait légions, tandis que les quelques rares dirigeants, qui n’ont pas la chance d’avoir de solides protections, se font éjecter de leur poste avec une facilité déconcertante, quand bien même leurs performances managériales, plaideraient en leur faveur. L’obligation de résultats qu’évoquent bien souvent les hommes politiques relèvent, par conséquence, beaucoup plus du mythe que de la réalité, le secteur public algérien regorgeant, comme on le sait, de dirigeants écartés, non pas, en raison de leurs échecs managériaux, mais essentiellement, à cause des recompositions gouvernementales qui leur ont fait perdre leurs soutiens ou, de disgrâces résultant d’un retrait de confiance par ceux qui les avaient précédemment choisis.

Le plus grave est que ces PDG ont tendance à reproduire dans les entreprises où ils ont été parachutés subjectivement parachutés, ce mode de désignation clientéliste dont ils avaient bénéficié en évinçant, notamment les cadres qui ne leur conviennent pas. Ces derniers seront éjectés sans état d’âme pour être subjectivement remplacés par des hommes de leur choix. Le secteur public économique est de ce fait en perpétuelle instabilité. Et c’est, en grande partie, ce la cause de la faiblesse de ses performances productives, son manque de compétitivité et son incapacité chronique à moderniser son management. De nombreuses voix se sont, à juste raison, élevées contre ce mode de désignation hasardeux et clientéliste en déplorant notamment l’exclusion des cadres qui n’ont pas eu la chance d’être intégrés à des réseaux. Alors que certains dirigeants se permettent de «surfer» d’une entreprise publique à l’autre sans jamais rendre compte de leurs résultats, ceux qui disposent des bagages intellectuels requis mais qui ne bénéficient pas de protection, n’arrivent même pas à se faire recruter comme simples administrateurs d’entreprises publiques. Bon nombre de ces cadres marginalisés ont, de ce fait, dû se résoudre à quitter le secteur public économique pour tenter leur chance dans le privé. Les plus compétents sont aujourd’hui à la tête d’opulentes sociétés privées qu’ils ont pour la plupart eux-mêmes créées.  

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