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Alors qu’il conditionne la qualité et la sécurité du bâti : le permis de construire n’a pas force de loi aux yeux des algériens

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Les auto constructeurs algériens considèrent le permis de construire beaucoup plus comme une formalité bureaucratique à accomplir pour se mettre à l’abri d’éventuelles tracasseries administratives, que comme un recueil de prescriptions techniques qu’ils doivent absolument appliquer pour préserver leur sécurité et leur environnement. Très peu d’entre eux l’applique à la lettre d’où leurs difficultés à obtenir le certificat de conformité requis pour l’octroi d’un titre de propriété. De ce fait, les logements auto construits sont assimilables de par la loi à des « biens vacants » érigés dans des quartiers qui porteront éternellement les stigmates d’un urbanisme violemment transgressé.  

Très peu d’auto constructeurs peuvent en effet se prévaloir d’avoir construit l’exacte réplique de ce qu’avaient conçu les concepteurs de leurs logements et, plus gravement encore, d’avoir suivi à la lettre les calculs et les plans de structures établis par les ingénieurs en génie civil. Alors que le permis de construire ne porte que sur la réalisation d’une maison à un étage, le constructeur se prépare dés l’entame du chantier à ajouter deux voire trois étages de plus. Une fois achevée on ne verra évidemment aucune trace de cette bâtisse illégalement reconfigurée dans les registres des services de l’urbanisme qui refusent de reconnaître son existence. Les statistiques de l’habitat qui ne comptabilisent que les logements et les surfaces habitables autorisées par les services de l’urbanisme sont de ce fait faussées. Le constat est grave car les constructions de ce genre sont légions. Elles dépasseraient le million d’unités avec des surfaces habitables volontairement augmentées, selon le recensement de la population et de l’Habitat effectué par l’Office National des Statistiques en 2013.  Les exemples d’auto constructeurs qui n’ont pas du tout tenu compte des prescriptions imposées par leurs permis de construire se comptent par dizaines de milliers et les libertés architecturales qu’ils se sont permis ont, non seulement, eu des effets désastreux sur l’urbanisme, mais aussi et surtout, sur la solidité de leurs constructions vulnérables aux secousses telluriques. Les séismes d’octobre 1980 et de mai 2003  ont mis en évidence cette vulnérabilité qui a notamment affectées les bâtisses surélevées en violation des prescriptions des permis de construire. Ces constats implacables n’ont, malheureusement pas, troublés les auto constructeurs,  qui continuent, aujourd’hui encore, à « bricoler » leurs logements au gré de leurs fantasmes et de leurs disponibilités financières.

Outre, leur impact négatif sur l’architecture, l’urbanisme et la résistance du bâti, l’inadéquation des constructions avec leurs conceptions originelles est de nature à fausser les statistiques de l’habitat. Les constructions de logements familiaux ayant bénéficiées de permis de construire dérivent en effet quasi automatiquement en en immeubles comprenant plusieurs appartements destinés aux enfants des constructeurs ou, tout simplement, à la location.  On ne peut par conséquent que douter de la véracité des statistiques d’habitat qui comptabilise un seul logement (celui du permis de construire) au lieu des trois ou quatre appartements qui existent réellement mais qui ne sont pas déclarés. En matière d’auto construction ce constat n’étant pas l’exception mais plutôt la règle, on peut aisément imaginer l’importance de l’écart entre les logements recensés et ceux autrement plus nombreux qui existent en réalité. C’est en grande partie ce qui explique le nombre important d’auto constructions à plusieurs niveaux, dont seul un étage est en réalité habité. Un ancien ministre de l’Habitat avait fait part au début des années 2000 déjà, de cet important réservoir de logements « illégitimes » pour la plupart inoccupés, qui pourrait alimenter le marché immobilier, pour peu que l’Etat légifère dans ce sens.

La non conformité des auto constructions aux prescriptions des permis de construire pose évidemment avec beaucoup d’acuité la question du contrôle par les agents habilités (services de l’urbanisme des communes et des wilayas, les inspecteurs de l’urbanisme, services de sécurité etc.). C’est un contrôle qui ne peut être efficace que s’il est permanent et qu’il dispose de moyens coercitifs. Si les contrôleurs n’interviennent que lorsque le mal est fait, cela ne servira évidemment à rien.  Comment en effet obliger, comme on tente aujourd’hui de faire sans succès, des milliers d’auto constructeurs  à détruire les ouvrages qu’ils ont réalisés en violation de la loi, sans prendre le risque d’émeutes ou autres dérapages sociaux. Mais comme bien d’autres irrégularités commises du fait de la mauvaise gouvernance, les pouvoirs publics algériens seront, comme ils ont souvent eu tendance à le faire, contraints de passer l’éponge en régularisant tous les contrevenants concernés. Tout ceux qui ont échappés aux conjoncturels coups de boutoirs (démolitions,  interdiction de poursuites de travaux etc.) des services de l’Urbanisme, caressent déjà l’espoir que l’Etat les laissent poursuivre leurs travaux et leur octroie le certificat de conformité qui permettra à leurs controversées bâtisses d’avoir une existence légale. Il n’y a, à notre connaissance, aucun auto constructeur qui a fait amende honorable en reconnaissant qu’il est dans ses torts et qui a, en conséquence, consenti à suivre strictement les clauses de son permis de construire. Il y a, de toute évidence, une action pédagogique à grande échelle que les pouvoirs publics concernés doivent rapidement entreprendre, pour que les constructeurs comprennent enfin l’importance de ces clauses, aussi bien, pour l’esthétique urbanistique et architecturale, que pour la sécurité de leurs bâtisses.

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