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Le projet d’union économique maghrébine au point mort depuis 1988

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Le grand projet d’union maghrébine n’a guère évolué depuis juin 1988 date à laquelle les défunts roi Hassan II du Maroc et le président de la république algérienne s’étaient rencontrés à Zéralda (Alger) pour jeter les bases de ce prometteur rapprochement. Pour diverses raisons qu’il serait trop long d’énumérer le terrain est resté en jachère sans pratiquement aucune avancée  notable. Le projet d’union économique maghrébine est de ce fait resté au point mort. Sur le plan politique on note même une certaine régression perceptible à travers des déclarations inamicales liées à l’interminable conflit du Sahara Occidentale et la question épineuse de l’intrusion de la drogue marocaine en Algérie. Sur le plan économique les choses ne sont pas plus brillantes, les relations entre les cinq pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie, Mauritanie et Lybie) se résumant à de très rares courants d’affaires portés par quelques individus, rarement par les gouvernements concernés. Les conditions générales de travail n’étant guère en faveur d’une coopération à grande échelle, les pays du Maghreb continuent à se passer l’un de l’autre préférant se tourner vers l’occident et, notamment l’ancien pays colonisateur, pour commercer ou conclure des partenariats multiformes. Minés par leurs modes de gouvernance, les troubles sociaux et les conflits géopolitiques, les pays du Maghreb n’arrivent pas à s’entendre sur un destin économique commun. Dans la situation où se trouvent les cinq pays de cette très hypothétique Union, le Maghreb ne saurait en effet être une zone propice aux flux commerciaux, ni même une source de capitaux et de technologies en mesure d’apporter à chacun ce qu’il attend. Tous les pays d’Afrique du Nord sont affectés à des degrés divers par des crises multiformes qui éloignent chaque jour davantage l’espoir d’un rapprochement à court terme. A fortiori lorsque la guerre civile (Lybie), la crise politique (Tunisie, Maroc) ou la crise économique (Algérie et Mauritanie) viennent compliquer les choses. Pas plus qu’ils ne peuvent compter avec certitude sur l’Union Européenne, les pays du Maghreb ne peuvent dans la situation peu confortable où ils se trouvent compter mutuellement les uns sur les autres pour progresser économiquement.

Faute de possibilité de coopération inter-maghrébine, les cinq pays d’Afrique du Nord se sont résolument tournés vers l’Europe, la Chine, la Turquie et les USA notamment à la recherche d’investissements directs étrangers et dans ce domaine  la chance semble avoir mieux souri à la Tunisie et au Maroc qui ont capté le plus gros des capitaux, l’Algérie, la Mauritanie et la Lybie étant restés à la traîne exception faite pour ceux destinés aux hydrocarbures et l’exploitation minière en général. Avant que la Tunisie ne soit secouée par le « printemps arabe », cette dernière l’investissement extérieur avait compté, bon an mal an, pour environ 10 à 12% de l’investissement global. Ils étaient destinés essentiellement à l’industrie du tourisme, à l’agroalimentaire, aux activités de sous-traitance tance et  aux textiles.

Le Maroc en a lui aussi largement profité en collectant l’équivalent de 3% de son PIB au moyen de la privatisation de la téléphonie mobile, de la sidérurgie et de l’implantation de grandes usines de montage automobiles (Peugeot et Renault) à Tanger.

Tous les pays du Maghreb  disposent de richesses naturelles importantes hydrocarbures, phosphates, une large gamme de minerais, de beaux sites touristiques mais aucun d’entre eux n’éprouve la nécessité de les exploiter par ses propres moyens. Ils comptent tous sur l’aide extérieur pour mettre en valeur leurs atouts naturels mais cette aide, quand elle arrive, est souvent chèrement payée en termes de coûts et de dépendance.


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Cette incapacité à prendre en mains son propre destin est également valable pour l’agriculture qui ne parvient pas à nourrir les populations du Maghreb en raison des moyens de productions archaïques utilisés et dont on semble là encore attendre le concours de partenaires étrangers, autres que maghrébins, pour opérer les changements qui s’imposent. Les algériens ont, à titre d’exemple, beaucoup à apprendre des agriculteurs marocains qui excellent notamment dans le maraîchage mais le gouvernement n’a pour diverses raisons jamais encouragé un tel partenariat, ni aucun autre du reste.

Sur le plan purement commercial, les pays du Maghreb échangent très peu. Les grandes initiatives entrepreneuriales font cruellement défaut faute d’impulsions politiques venant de leurs gouvernements, mais aussi et surtout, de stabilité juridique que requiert la sécurité des affaires. De gros efforts en matière d’infrastructures routières et ferroviaires (autoroute Est-Ouest, transsaharienne,  chemin de fer trans-maghrébin etc.) ont été faits, notamment par l’Algérie, dans l’espoir de développer les échanges mais les résultats sont plutôt décevants du fait que très peu d’entrepreneurs maghrébin n’osent s’aventurer sur le terrain du partenariat inter-maghrébin tant que les pré-requis de la stabilité et de la sécurité ne sont pas garantis par les États concernés. Et rien n’indique que ces derniers le feront de si tôt pour les raisons que l’on connaît. L’Algérie et le Maroc entretiennent en effet depuis des décennies un conflit larvé, la Tunisie est en quête d’une stabilité politique, la Libye est en pleine guerre civile et la Mauritanie n’a toujours pas les moyens de sa politique. La nature ayant horreur du vide, ce sont les acteurs du commerce informel qui semblent avoir pris en main le destin commercial du Maghreb. La contrebande d’une panoplie de produits a élu durablement domicile aux frontières des cinq pays. Une dérive mafieuse côtoyant bien souvent l’activisme terroriste ont même fait leur apparition à la faveur des troubles géopolitiques survenus dans la région. Des dérives qui rendent encore plus improbables le tissage de liens économiques et sociaux entre les pays concernés, rendant ainsi la construction d’une union  économique maghrébine très improbable à court et moyen terme.

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