AccueilContributionsRéformes économiques : Le scrutin d’avril 2019 perturbe l’action gouvernementale

Réformes économiques : Le scrutin d’avril 2019 perturbe l’action gouvernementale

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A quelques mois des scrutins présidentiels il est de tradition que les manœuvres politiciennes prennent le pas sur les réformes économiques, notamment lorsque ces dernières risquent d’être mal accueillies par de larges franges de la société. La tendance est alors à l’apaisement au moyen d’un statu quo consistant à différer la mise en œuvre de tous les ajustements qui pourraient, d’une manière ou d’une autre, nuire à la paix sociale.

A une échéance aussi proche, le souci majeur du pouvoir n’est pas de sauver l’économie du pays mais de tirer d’affaire un système politique qui tire sa légitimité de la tenue de ce rendez-vous électoral, le résultat du scrutin  étant, comme on le sait, connus d’avance.

Le pouvoir en place doit par conséquent éviter coûte que coûte tout ce qui pourrait  engendrer de grosses vagues de contestations populaires ainsi que les réactions  de certains partis politiques susceptibles de troubler l’ordre public et de remettre en cause la tenue du scrutin de 2019 et tous les calculs politiciens qu’il comportent.  La stabilité souhaitée étant essentiellement une affaire de rentes à répartir à différentes franges de la société, force est de constater que la manœuvre est déjà bien engagée sur le terrain.

Des milliers de logements seront, comme au temps des échéances électorales précédentes, attribués à diverses couches de la société qui attendront calmement leur tour, en veillant à ce qu’aucune vague de contestation n’ait lieu durant cette période d’attente. Les transferts sociaux continueront à être tout aussi généreux que par le passé et tous les mots qui fâchent (privatisations, vérité des prix, aides au secteur privé etc.) soigneusement retirés des discours des autorités politiques en place.

Il faut dire que le gouvernement s’est donné les moyens de cette politique qui repose essentiellement sur la répartition clientéliste de la rente disponible. Et cette rente reste encore substantielle en dépit du déclin des recettes d’hydrocarbures.

L’argent du pétrole qui se remet à rentrer copieusement dans les caisses de l’Etat et la planche à billets qui offrira dés cette année plusieurs centaines  de milliards de dinars donnent en effet la possibilité de maintenir les transferts sociaux à des niveaux élevés, de payer régulièrement les salaires des fonctionnaires et, sans doute même d’offrir des augmentations de salaires, à quelques semaines de l’élection. C’est ce qui avait toujours été fait par le passé et on ne voit pas pourquoi cela changerait pour le prochain scrutin. L’argent des hommes d’affaires appelés à soutenir le candidat du système continuera à couler à flot, notamment, pour financer sa campagne électorale et l’ensemble du markéting qui va avec.

Si l’hypothèse d’un cinquième mandat venait à se préciser, il se pourrait même que le nombre de sponsors du candidat et par conséquent le montant de l’argent collecté, augmente sensiblement.

Il ne faut donc pas gâcher cette chance que seules de graves turbulences politiques et sociales pourraient remettre en cause. La paix sociale est par conséquent requise quitte à renier tous les engagements pris en matière de réformes. Comme on a pu le constater à travers la loi de finance pour l’année 2018 et certains propos du premier ministre, il n’y aura cette année aucune décision politique de nature à faire progresser l’économie algérienne dans le sens de la gouvernance universelle.

L’économie algérienne va continuer encore cette année et, sans doute l’année prochaine, à trainer des archaïsmes en matière d’organisation, de moyens de paiement et de manière d’entreprendre le développement économique et social au moyen de l’argent du Trésor public. Ça sera toujours l’Etat qui fera tourner l’économie en veillant à satisfaire la demande sociale par le truchement de son budget. Un budget constitué, comme on le sait, de la fiscalité pétrolière, de l’argent du contribuable et de cumuls de déficits.

Le financement par le marché (emprunts sur divers marchés financiers, argent des entreprises privés etc.) est en effet rarement envisagé, réduisant du coup la puissance financière du pays, contraignant ainsi l’Etat à endosser l’entière responsabilité du développement économique et social de la nation.

Les meilleures pistes de collecte (privatisations des entreprises publiques, marché boursier, emprunts obligataires etc.) ou de réduction des dépenses publiques (baisse des transferts sociaux, réduction du train de vie de l’Etat etc.) sont, comme on peut le constater à travers la loi de finance en cours, carrément ignorées sans doute par peur de susciter de grosse vagues de mécontentement qui pourraient troubler la quiétude sociale souhaitée en période aussi sensible. Certaines décisions prises dans les arcanes secrètes du pouvoir sont immédiatement retirées dès lors qu’elles commencent à susciter de l’agitation au sein clans ou lobbies capables de nuisances.

C’est sans doute ce qui explique que certaines décisions gouvernementales manquent de transparence et, parfois même, se contredisent et se télescopent. Le cas du subit retrait de l’instruction du premier ministre relative à la liste des concessionnaires autorisées à effectuer du montage automobile et celle relative au partenariat public-privé qui a changé tout aussi subitement changé de signification d’une réunion tripartite à l’autre, constituent de parfaits exemple de cette instabilité provoquée au détriment de l’économie national, uniquement pour maintenir les forces politiques et sociales en état de statu quo durant cette sensible période pré-électorale.

A l’évidence ce mortel statu quo fait perdre un temps précieux à notre économie qui ne cesse de reculer comparativement à d’autres pays dont les économies largement émancipées des sphères politiques échappent à ce genre de tractations politiciennes. Des tractations malsaines qui réduisent considérablement la visibilité économique et suscite la méfiance des hommes d’affaires.

Ce sont les investissements qui pâtissent sans doute le plus de cette panne du processus de réformes provoqué de toutes pièces pour pérenniser un système politique qui doit renouveler à tous prix sa légitimité à l’occasion du scrutin d’avril 2019.

Le statu quo dont souffrent les acteurs économiques est d’autant plus lourd qu’il prend racines dans un système de gouvernance ultra présidentiel. Les grandes décisions relevant de l’autorité exclusive du président de la république, rien de sérieux ne peut en effet se faire sans lui. Suspendue à des décisions qui se font de plus en plus rares en raison de son état de santé, l’économie algérienne en souffre cruellement.

Les années 2018 et 2019 auraient pourtant dû être des années de profondes réformes à concocter dans le sillage de la Constitution de février 2016 qui ordonnait, entre autres, de promulguer toutes les lois et règlements nécessaires à la constitution d’un bon climat des affaires, à l’instauration d’une égalité des droits entre entreprises publiques et privées et, la possibilité de privatiser à certaines conditions les entreprises nationales.

Autant de réformes fondamentales que le gouvernement devra nécessairement zapper cette année et l’année prochaine pour permettre au prochain scrutin présidentiel d’avoir lieu et de se dérouler dans les meilleures conditions possibles à l’échéance prévue.

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