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Pr Abderrahmane Mebtoul : « Les échanges entre l’Algérie et la France peuvent être intensifiés dans tous les domaines »

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Dans cet entretien, le professeur Abderrahmane Mebtoul nous donne son avis sur la visite du président français en Algérie, prévue pour le 06 décembre. Selon lui, le rapprochement entre des pays du Maghreb devient  nécessaire pour une intensification de la coopération avec la France et l’Algérie via l’Europe, à la mesure du poids de l’histoire qui nous lie. MMebtoule estime que les échanges entre l’Algérie et la France  se limitent essentiellement aux hydrocarbures pour la partie algérienne, aux services, notamment bancaires, l’agroalimentaire, les produits pharmaceutiques et les produits issus de l’industrie automobile pour la partie française

Algérie-Eco : Le Président français Emmanuel Macron devrait effectuer une visite officielle en Algérie le 06 décembre 2017 où  seront abordés les sujets  notamment géopolitiques dont les tensions au Sahel, l’immigration clandestine, et la coopération économique. Vous avez parlé à maintes reprises sur l’urgence  d’un « co-partenariat gagnant-gagnant  » entre l’Algérie et la France. Quel commentaire faites-vous sur cette visite ?

Abderrahmane Mebtoul : Il faut être réaliste. Dans la pratique des affaires il n’existe pas de sentiments, les entrepreneurs algériens ou étrangers étant mus par la seule logique du profit, le rôle de l’Etat régulateur, stratégique en  économie de marché à vocation sociale,  étant de concilier les coûts sociaux et les coûts privés et chaque pays dont l’Algérie doit défendre ses intérêts propres.

Mais la mise en œuvre d’affaires saines, comme l’image d’un pays, ne repose plus comme par le passé sur des relations personnalisées entre chefs d’États ou ministres, mais doit être la résultante de réseaux décentralisés, favorisés notamment par l’implication de la société civile, d’ONG et d’entreprises dynamiques innovatrices.

C’est que l’on assiste au niveau mondial à l’évolution d’une accumulation passée se fondant sur une vision purement matérielle, caractérisée par des organisations hiérarchiques rigides, à un nouveau mode d’accumulation fondé sur la maîtrise des connaissances, des nouvelles technologiques et des organisations souples en réseaux comme une toile d’araignée à travers le monde, avec des chaînes mondiales segmentées de production où l’investissement, en avantages comparatifs, se réalisant au sein de sous-segments de ces chaînes. Donc, les deux pays doivent avoir une vision commune de leur devenir. La symbiose des apports de l’Orient et de l’Occident, le dialogue des cultures et la tolérance sont sources d’enrichissement mutuel.

La visite du président français en Algérie intervient au moment de la consolidation des grands ensembles, enjeux de la mondialisation, le rapprochement entre des pays du Maghreb devient  nécessaire pour une intensification de la coopération avec la France et l’Algérie via l’Europe, à la mesure du poids de l’histoire qui nous lie.

L’intégration du grand Maghreb devrait servir de pont entre l’Europe et l’Afrique, les avantages comparatifs à moyen et long termes étant pour les deux pays en Afrique, continent d’avenir et à fortes potentialités, sous réserve de sous-intégrations régionales, de la valorisation de l’économie de la connaissance et d’une meilleure gouvernance.

Economiquement parlant, comment vous situez-vous les relations entre les deux pays ?

Il faut voir le bilan du commerce extérieur de 2016 pour en juger de ces relations. Les pays de l’Union européenne sont toujours les principaux partenaires de l’Algérie (47,47 % des importations et de 57,95 % des exportations). Le principal client  étant  l’Italie, qui absorbe plus de 16,55 % des ventes, suivie par l’Espagne à 12,33 % et la France, à 11,05 %. Pour les principaux fournisseurs, la France occupe le premier rang des pays de L’UE avec 10,15 %, suivie par l’Italie et l’Espagne, avec respectivement 9,93 % et de 7,69 % du total des importations.

Les cinq premiers clients de l’Algérie, au cours des sept premiers mois de 2017, ont été l’Italie avec 3,5 mds usd (16,9% des exportations globales algériennes), suivie de la France avec 2,60 mds usd (12,55%), de l’Espagne avec 2,32 mds usd (11,23 %), des Etats-Unis avec 2,09 mds usd (10,11 %) et du Brésil 1,39 mds usd (6,74%). Quant aux principaux fournisseurs de l’Algérie, la Chine est encore venue en tête avec 5,21 mds usd (19,40 % des importations globales algériennes), suivie de la France avec 2,35 mds usd (8,77%), de l’Italie avec 1,98 mds usd (7,37%), de l’Allemagne avec 1,84 mds usd (6,85%) et de l’Espagne avec 1,75 mds usd (6,53%).

Pour les  des principaux pays clients de l`Algérie et le montant des exportations algériennes vers chacun de ces pays durant les sept (7) premiers mois de 2017, ainsi que l’évolution des exportations algériennes vers ces pays par rapport à la même période de 2016. Selon les données de l’Ambassade, la  France est cependant  le premier investisseur hors hydrocarbures et le premier employeur étranger en Algérie, représentant  40 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects, pour environ 500 entreprises implantées dont une trentaine de grandes entreprises.

Les principaux secteurs porteurs d’emplois et d’activité sont les services financiers (avec la Société Générale et BNP Paribas),  les transports (avec notamment la présence d’Air France),  le domaine maritime, CMA-CGM, avec un effectif de 400 personnes, est en tête sur le marché algérien, l’hôtellerie-restauration (groupes Accor, Sodexo, Newrest), la distribution automobile à travers Renault et Renault Trucks, le secteur de l’environnement avec Suez Environnement.

D’une manière générale, les échanges entre l’Algérie et la France  se limitent essentiellement aux hydrocarbures pour la partie algérienne, aux services, notamment bancaires, l’agroalimentaire, les produits pharmaceutiques et les produits issus de l’industrie automobile pour la partie française. Il y a effectivement des aspects politiques qui freinent ces échanges.

Certes les échanges commerciaux sont en hausse mais demeurent figés dans leurs structure et sont dérisoires comparées aux exportations et importations des deux pays. La France, dans bon nombre d’affaires en Algérie, est devancée par l’Espagne, l’Italie et la Chine qui prennent des parts de marché de plus en plus en plus importantes.

Les relations économiques entre l’Algérie et la France semblent s’intensifier également avec la signature, lors de la 4éme session du COMEFA, tenue à Alger en novembre 2017, de plusieurs accords de partenariats. Qu’en pensez-vous ?

Lors de la 4éme session du COMEFA , tenue à Alger en novembre 2017, a vus notamment la signature de plusieurs accords dont le  montage  avec Peugeot, dans le domaine de l’électricité  en partenariat avec le groupe français Schneider Electric, un consortium chargé d’exploiter et de commercialiser des produits agricoles algériens vers l’Union européenne, le BPTH et les énergies renouvelables, l’Algérie et la France veulent accélérer la cadence de la coopération économique. Car les échanges sont loin des potentialités et elles  sont énormes. L’Algérie et la France présentent pourtant  l’une et l’autre des atouts et des potentialités pour la promotion d’activités diverses et cette expérience peut être un exemple de ce partenariat global devenant l’axe privilégié du rééquilibrage du sud de l’Europe, par l’amplification et le resserrement des liens et des échanges sous différentes formes.

Les échanges entre l’Algérie et la France peuvent être intensifiés dans tous les domaines : agriculture, industrie, bâtiments travaux publics, énergie- services, tourisme- industries- environnement- et éducation, sans oublier la coopération dans le domaine militaire.

L’attractivité du marché algérien découle des avantages comparatifs suivants : la proximité géographique des marchés potentiels d’Europe, d’Afrique et du Moyen Orient ; la taille du marché intérieur estimée à environ 41 millions de consommateurs en 2017 ; des richesses naturelles importantes (pétrole, gaz), ainsi que d’autres ressources minérales non négligeables, peu ou pas exploitées, notamment le phosphate, le fer et l’or ; des ressources humaines en grande partie jeunes, qualifiées et abondantes.

Il  s’agit de synchroniser nos actions afin de rapprocher des intérêts économiques et commerciaux des entreprises des deux rives de la Méditerranée, notamment les partenariats publics et privés soutenu, la formation, le transfert de savoir axé sur les innovations. Par ailleurs, n’oublions pas le nombre de résidents d’origine algérienne en France, qui dépasseraient les 4 millions, dont 2 millions de binationaux. Quel que soit son nombre exact, la diaspora représente un élément essentiel du rapprochement entre l’Algérie et la France, car elle recèle d’importantes potentialités intellectuelles, économiques et financières.

 La promotion des relations entre l’Algérie et sa communauté émigrée doit mobiliser à divers stades d’intervention l’initiative de l’ensemble des parties concernées, à savoir le gouvernement, les missions diplomatiques, les universités, les entrepreneurs et la société civile.  La promotion des relations entre l’Algérie et sa communauté émigrée, étant le  ciment de l’inter-culturalité, doit mobiliser à divers stades d’intervention l’initiative de l’ensemble des parties concernées, à savoir le gouvernement, les missions diplomatiques, les universités, les entrepreneurs et la société civile.

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