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Natalité en Algérie : les défis politiques et économiques de la croissance démographique

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La croissance de la natalité en Algérie, qui s’est établie à 1,1 million de naissance en 2016, alors qu’elle était de 580.000 au début des années 2000, « constitue une singularité internationale », a déclaré M. Laurent Chalard, géographe-consultant et membre du think tank Eurpean Centre for International Affairs, lors d’un entretien accordé au journal Atlantico.fr

Il a expliqué que « le pays semble déroger au schéma de la transition démographique, qui repose sur le passage progressif d’une forte natalité et mortalité à une faible natalité et mortalité. Or, si pour l’évolution de la mortalité, l’Algérie suit le modèle, par contre, pour la natalité, ce n’est pas le cas ».

Chalard a précisé que « après une chute accélérée dans les années 1980-1990, faisant passer la fécondité de 4,5 enfants par femme en 1990 à 2,4 enfants par femme en 2000, conduisant à un point bas des naissances cette année-là, depuis la fécondité s’est mise à remonter brusquement, progressant régulièrement et dépassant les 3 enfants par femme depuis 2012 (3,1 enfants par femme en 2015), une évolution qui ne se constate nulle part ailleurs ».

Et d’ajouter « les générations d’algériens en âge d’avoir des enfants étant un peu plus nombreuses qu’au début des années 2000, cette remontée de la fécondité a conduit à un véritable boom des naissances, qui ont quasiment doublé ».

Pour M. Chalard, la singularité algérienne n’est pas le produit d’un événement conjoncturel, à savoir la guerre civile (1991-2002) et ses conséquences démographique. Le géographe explique que « dans un contexte d’insécurité rampante et d’incertitude de ce que serait le lendemain, les algériens ont retardé leurs naissances dans la seconde moitié des années 1990, conduisant à une baisse de la natalité conjoncturelle », ajoutant  « une fois la guerre terminée, il s’est produit un effet de rattrapage, les naissances qui ont été retardées ne l’étant désormais plus, avec comme conséquence un rajeunissement de l’âge au mariage, puis, dans un second temps, l’effet de la rente pétrolière a permis d’assurer le minimum vital aux familles nombreuses ».

Chalard est revenu sur les conséquences de cette forte natalité, en évoquant les points positifs et négatifs pour le pays. En effet, le géographe estime que « la poursuite d’une croissance démographique soutenue conduira l’Algérie à devenir plus peuplée que la France à terme et à en faire la puissance démographique dominante du Maghreb, le Maroc à la fécondité moindre semble distancer », poursuivant « le pays devra donc voir son poids géopolitique se renforcer sur la scène internationale. La jeunesse de la population, lorsqu’elle est bien canalisée, est source d’innovations, en particulier sur le plan économique ».

S’agissant des points négatifs, M. Chalard précise que « le premier concerne les ressources alimentaires. En effet, si la nature algérienne devrait potentiellement permettre de nourrir les quelques dizaines de millions d’habitants supplémentaires prévus, en l’état actuel du niveau de développement de l’agriculture algérienne, cela risque d’être compliqué, étant donné les difficultés à atteindre l’autosuffisance », ajoutant « le deuxième problème concerne l’emploi. Dans un contexte de chômage de masse endémique, qui n’apparaît pas dans les statistiques officielles, et de faible création d’emplois, en particulier dans le secteur privé, les perspectives de trouver un emploi dans le futur aux générations pléthoriques est mal engagé.

Chalard a identifié un troisième problème qui est d’ordre social. Pour le géographe « qui dit jeunesse pléthorique, dit aussi instincts révolutionnaires au moment de l’entrée de l’âge adulte, qui plus est si la situation économique et politique n’est pas à la hauteur des ambitions des jeunes générations. Les années 2030 risquent d’être assez mouvementées si l’Algérie ne décolle pas enfin économiquement d’ici là ».

Chalard a également évoqué les questions migratoires, expliquant que « si le développement économique ne suivait pas, il existe un risque certain d’une augmentation de l’émigration vers des pays étrangers offrant plus d’opportunités quand ces générations pléthoriques arriveront à l’âge adulte ».

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