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Planche à billets : Un nouveau coup dur pour l’économie

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Payer régulièrement les salaires de plus de deux millions de fonctionnaires, poursuivre la politique ruineuse des transferts sociaux et autres soutiens de prix, pour maintenir la paix sociale jusqu’au scrutin de 2019, tels sont les objectifs centraux du pouvoir en place en cette période de grande incertitude provoquée par la maladie du président de la république.

Une paix sociale à maintenir à tous prix, si nécessaires aux moyens de mécanismes financiers inappropriés et, parfois, même très dangereux pour l’économie, pour peu qu’ils permettent une disponibilité immédiate de ressources financières susceptibles de suppléer au déclin des recettes d’hydrocarbures.

Il y a d’abord eu de le Fond de Régulation des Recettes (FRR) qui avait abrité à son apogée près de 40 milliards de dollars résultant du différentiel entre les recettes d’hydrocarbures comptabilisées aux budgets de l’Etat au prix de 37 dollars le baril et les recettes autrement plus importante estimées aux prix du marché.

Ce fond est aujourd’hui totalement épuisé après avoir épongé une grande part des dettes extérieures et intérieures du pays, mais aussi, servi des années durant à résorber les déficits budgétaires d’un État qui dépensait sans compter.

A la veille de l’épuisement de ce fond de régulation, un autre mécanisme de financement avait immédiatement pris le relais de cet absorbeur de déficits budgétaires. Il s’agit, on l’a compris, de l’emprunt obligataire lancé en 2015  par l’Etat dans le but, disait-on, d’être investi dans la relance industrielle. Il ne servira au bout du compte qu’à éponger lui aussi les déficits budgétaires qui continuaient à se creuser sous l’effet mécanique des augmentations de la masse salariale de fonctionnaires encore plus nombreux et des transferts sociaux qui ont eux aussi continué à croître.

Tout comme le fond de régulation des recettes, l’emprunt obligataire qui n’avait récolté qu’environ 5 milliards de dollars, est également aujourd’hui tari. Outre le fait qu’il ait grandement contribué à l’assèchement des liquidités des banques publiques qu’on avait forcé à souscrire à cet emprunt national, ce dernier n’a à notre connaissance jamais servi au redressement des entreprises industrielles, comme il en était initialement convenu. Les ressources collectées ont été injectées dans le budget de l’Etat pour réduire du mieux possible le déficit.

Ces deux pourvoyeurs de ressources financières ayant été laminés, le gouvernement actuel n’a rein trouvé de mieux que de se tourner vers l’institut d’émission de monnaie placé sous l’autorité de la Banque d’Algérie en forçant cette dernière à produire des billets pour le compte du trésor public qui est, comme on le sait, le comptable payeur de l’Etat. En terme plus clair, la Banque Centrale qui n’émet de la monnaie qu’au regard de l’état général de l’économie devra, en application d’une nouvelle loi que le gouvernement Ouyahia s’apprête à promulguer, recourir à volonté à la planche à billet pour mettre à la disposition du trésor public, autant de liquidités que requiert les dépenses de l’Etat.

Grace à cette entourloupette juridique qui remet en cause une disposition essentielle de la loi sur la monnaie et le crédit, le gouvernement pourrait ainsi continuer à dépenser sans compter et si nécessaire pulvériser des records de dépenses pour maintenir la paix sociale. Mais ce recours à la facilité est en réalité un choix très dangereux qui peut par ses répercussions gravissimes (hyperinflation, surendettement intérieur, hausses démesurées des inputs importés, détérioration du tissu industriel et agricole etc.) hypothéquer l’avenir proche et lointain du pays.

Le recours à la planche à billet n’a en effet réussi dans aucun des rares pays qui y eu recours. Le seul que les économistes ont l’habitude de citer comme exemple de réussite est le Japon en n’omettant pas de souligner que ce pays exceptionnel a su mettre à profit ce mécanisme keynésien grâce ses institutions et entreprises parfaitement bien organisées pour rentabiliser les liquidités financières qu’elles avaient obtenues par ce moyen.

Tous les économistes s’entendent aujourd’hui pour déconseiller le recours à la planche à billets aux pays sous gouvernés où la corruption fleurit et où les entreprises et institutions publiques sont mal gérées et peu performantes. Cela reviendrait, disent-ils, à jeter de l’argent par la fenêtre et à laisser à la postérité une dette intérieure faramineuse que les générations futures devront d’une manière ou une autre rembourser.

En cas d’insuffisance de liquidités les économistes recommandent généralement que l’Etat et les banques procèdent d’abord et avant tout à des ajustements structurels poussant les institutions et les entreprises à mieux s’organiser pour optimiser les liquidités mises à leur disposition et à écarter sans état d’âme toutes celles qui ne sont pas rentables, du bénéfice des crédits bancaires.  Plutôt que d’inonder le marché de « monnaie de singes » au moyen d’un gonflement de la masse monétaire, il serait plus convenable que les institutions financières de l’Etat apprennent à se financer auprès des marchés financiers, en prenant bien  soin de négocier les meilleures conditions possibles d’emprunts.

L’attrait des investissements directs étrangers (IDE) constitue une autre possibilité de financement sain, pour peu que le gouvernement algérien travaille plus résolument à l’amélioration du climat des affaires qui est aujourd’hui encore répulsif aux yeux des investisseurs étrangers.

Il y a également les capitaux des hommes d’affaires algériens installés dans le pays ou à l’étranger (il y aurait selon un observatoire international pas moins de 4100 millionnaires en dollars disposant d’importants capitaux oisifs) qui ne demandent qu’à être placés si, bien entendu, le gouvernement leur faisait appel en leur garantissant la sécurité, certaines mesures incitatives et, bien entendu, de bons retours sur investissements.

Mais comme subitement pris de panique par le déclin des recettes d’hydrocarbures et la stagnation de la  manne fiscale qui alimentaient confortablement le budget de l’Etat il y a peu d’années, les autorités politiques algériennes ont à l’évidence été vers le choix le plus facile que constitue la planche à billets.

Parce qu’elle ne requiert qu’une simple modification de la loi sur la monnaie et le crédit pour contraindre la Banque d’Algérie à fournir des liquidités au Trésor public, cette procédure permettra de produire à volonté des billets de banques pour le compte de l’Etat qui pourrait ainsi financer ses missions de services publics, ses programmes et ses transferts sociaux ainsi que les salaires des fonctionnaires. Mais en finançant toutes ces dépenses improductives, l’Etat fait courir au pays un risque réél d’hyperinflation, à la mesure de celui qui sévit actuellement et pour les mêmes raisons, au Venezuela.

Ce choix peu judicieux de la planche à billets qui a mis en péril les économies de pratiquement tous les pays qui y avaient eu recours, l’Algérie des années 80 y compris, montre jusqu’où un pouvoir aux abois peut aller pour se maintenir le plus longtemps possible en place. L’Algérie avait d’ailleurs chèrement payé  ce recours dans les années 80 à l’émission démesurée de monnaie, par notamment un gonflement démesuré de sa masse monétaire et de sa dette intérieure qui avaient on s’en souvient, allègrement dépassé les 1000 milliards de dinars dans le milieu des années 90.

Il a fallu plus de 30 années d’efforts, mais aussi et surtout, d’excédents de recettes pétrolières pour les éponger, aidé en cela par la promulgation en 1991 de la loi sur la monnaie et le crédit qui confiait la politique monétaire du pays et l’émission de la monnaie à la seule Banque d’Algérie. Il ne faudrait donc pas que l’Algérie qui en avait fait l’amère expérience retombe, pour cause de calculs politiciens, dans le même travers.

 

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