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La réglementation bancaire dans un brouillard d’incertitudes

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Confronté à des « intérêts particuliers » nationaux contradictoires et attentiste devant l’administration Trump, le Comité de Bâle, instance de régulation bancaire internationale, n’a toujours pas finalisé son arsenal réglementaire, près de 10 ans après la crise financière.

Que sont les accords de Bâle III et le comité de Bâle?

Fondé en 1974, le Comité de Bâle, qui dépend de la Banque des réglements internationaux (BRI), est chargé de concevoir les règles bancaires internationales. Il ne dispose d’aucun pouvoir contraignant mais la réglementation qu’il élabore engage théoriquement ses membres.

Il est composé des gouverneurs des banques centrales, de représentants des autorités de supervision financière de ses pays membres, actuellement au nombre de 28, et d’institutions internationales concernées (Fonds monétaire international, Banque centrale européenne, Autorité bancaire européenne, Commission européenne).

La réglementation dite de Bâle III est la troisième réforme des accords de Bâle. Signés en 1988, les premiers accords, destinés aux banques internationales, fixaient initialement un seuil minimal de fonds propres (soit du capital détenu en propre et des profits) à mettre en réserve en fonction des crédits accordés.

Ils ont été enrichis une deuxième fois (Bâle II) par des normes renforcées, entrées en vigueur dès la fin 2006, dont le but était d’élargir la couverture des risques et d’améliorer leur gestion par les établissements bancaires, notamment en tenant compte des spécificités des banques et de leurs méthodes de calcul internes.

Peu après l’éclatement de la crise financière en 2008, les accords de Bâle II ont été revus. Ceux-ci s’étant révélés insuffisants face à la créativité de l’ingénierie financière, les nouvelles normes de Bâle III sont devenues plus contraignantes, via des exigences supplémentaires en fonds propres, pour empêcher tout nouveau contournement susceptible de mener à une crise systémique, dommageable aux contribuables.

Pourquoi Bâle III n’est-il toujours pas finalisé ?

Les accords de Bâle III se veulent plus exhaustifs et contraignants en obligeant les banques à mesurer les risques qu’elles prennent sur leurs activités, puis à mettre en réserve des fonds propres permettant de couvrir cette prise de risque.

Le problème est que, compte tenu de la diversité des modèles bancaires et des mécanismes de financement à travers le monde, il n’y a pas d’unanimité sur la manière d’évaluer le risque, ni sur la fixation des niveaux de fonds propres.

Conséquence: dès son entrée en vigueur en 2010, Bâle III a suscité diverses levées de boucliers ayant mené à plusieurs révisions. La dernière en date a eu lieu en janvier 2016, le comité de Bâle ayant abaissé ses exigences initiales en matière de fonds propres pour les activités de marché.

Par ailleurs, en plus d’être épineux et techniques, les chantiers réglementaires sont nombreux et tous n’ont pas été finalisés. Or, pour le Comité de Bâle, la finalisation de nouveaux accords, déjà nommés Bâle IV, sera effective une fois une entente globale obtenue.

Mais les désaccords sont nombreux entre le secteur bancaire et le Comité de Bâle ainsi qu’entre établissements bancaires internationaux, certains s’estimant plus lésés que d’autres, au point aujourd’hui d’aboutir à un blocage.

Quels sont les principaux points de désaccord ?

Depuis un an, les banquiers européens s’alarment des effets de Bâle III et de ceux à venir de Bâle IV sur le financement de l’économie et sur leurs propres établissements.

Parmi leurs principales inquiétudes: la remise en cause de leurs modèles internes, soit de leurs propres modes de calcul du risque, qui, selon le comité de Bâle, minimisent le niveau de risque de leurs activités et donc celui des capitaux à mettre en réserve en face.

A la place, le comité de Bâle plaide pour l’adoption d’un plancher de fonds propres renforcé pour les utilisateurs de modèles internes et de modèles standards qui obligeraient de nombreuses banques européennes à relever leurs capitaux.

Ainsi, côté français, on s’inquiète des conséquences potentielles sur l’octroi de crédits immobiliers et sur les financements spécialisés aux entreprises.

L’alarmisme des banques européennes a conduit notamment les françaises et allemandes à demander à ne pas augmenter fortement les exigences en fonds propres.

En arrière-fond, la défense des intérêts bancaires européens qui seraient désavantagés par rapport à ceux des américains, une crainte d’autant plus alimentée par les projets de dérégulation financière de l’administration Trump.

Mais « il y a beaucoup de mauvaise foi et d’intérêts particuliers dans cette discussion », explique à l’AFP Nicolas Veron, économiste d’un centre de réflexion européen (Bruegel) et américain (Peterson Institute), pour qui il serait erroné de réduire le processus de décision du Comité de Bâle à un outil de guerre commerciale.

AFP

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