AccueilActualitéNationalAli Haddad, Président du FCE : « Les politiques à mettre en...

Ali Haddad, Président du FCE : « Les politiques à mettre en place doivent viser la promotion des PME et des Start Up »

- Advertisement -

Quelles sont les politiques et les incitations à mettre en place à l’échelle nationale pour catalyser la diversification de l’économie algérienne ?

La politique de diversification d’une économie aussi concentrée que l’économie algérienne est certainement très complexe, d’une part en raison de l’emprise du secteur des hydrocarbures sur tous les secteurs économiques et d’autres part en raison des rouages institutionnelles et des comportements, voire des vicissitudes accumulées pendant une longue période de gestion centralisée ; tout tourne autour de l’Etat et de la répartition de la rente. Cependant, depuis quelques années des acteurs nouveaux ont émergé et sont engagés dans des stratégies alternatives à la rente.

Les incitations et les politiques à mettre en place doivent viser la promotion de ce type d’acteurs et d’entreprises en l’occurrence les PME et les Start Up en les aidant à se développer pour atteindre une taille critique leur permettant de faire des économies d’échelle et d’être innovantes. Ce n’est pas avec des TPE, qui constituent l’essentiel de la population des entreprises en Algérie (+96%) et qui activent dans les services basiques (transport, distribution, …), que l’on mène une politique de diversification.

Dans cette perspective, il faut créer un fonds d’investissement bonifié par l’Etat pour aider à l’émergence de ces entreprises de la diversification. La réussite d’une telle politique est conditionnée par l’introduction de mécanismes de contractualisation pour éviter de tomber dans les comportements de prédation qui consiste à prendre les incitations publiques et disparaître.

D’ailleurs, les incitations budgétaires et fiscales doivent être adossées à des objectifs de diversification : substitution aux importations, exportation, ou à intégrer des chaines de valeurs mondiales. Le contrat entre l’État et une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une même filière doit prévoir les incitations, les résultats attendus et les obligations des deux parties. Dans le contexte présent de l’Algérie (niveau de développement des entreprises locales et leur faible connaissance des marchés extérieurs), il est indiqué de s’attaquer à la substitution aux importations.

Au FCE, nous sommes convaincus que l’innovation est l’un des leviers majeurs de la transformation de l’économie algérienne. Nos entreprises doivent proposer des produits  innovants pour se distinguer de leurs concurrents. Un grand pays comme l’Algérie doit se doter d’un système national d’innovation efficace et performant qui permet un transfert des produits de la recherche appliquée vers l’entreprise.

Dans cette période de changement économique, que doit être le rôle des banques algériennes ? Quels sont les besoins de l’Algérie quant au développement de ses marchés de capitaux et d’autres moyens de financement ?

La diversification économique implique effectivement une diversification des sources de financement. C’est toute la question du passage du budget au marché financier qui doit être prise en charge par les banques. Il faut aller vers une diversification des produits bancaires qui seront adaptés aux besoins des entreprises.

Par ailleurs, les banques sont les acteurs privilégiés des marchés financiers et monétaires grâce à leur rôle d’intermédiation sur ces marchés. Aujourd’hui, le système bancaire algérien est dominé par le secteur public dans une proportion élevée (85%) et il est opportun, pour la promotion d’une concurrence effective, de diversifier aussi ce secteur en l’ouvrant au secteur privé national.

C’est par une concurrence saine que la modernisation du système  bancaire peut se faire. Les banques sont certes des acteurs cruciaux dans ce processus, mais les entreprises doivent pouvoir se tourner également vers le marché obligataire, la Bourse où les fonds d’investissements etc. dont le développement doit être vivement et impérativement encouragé par l’Etat.

Quelles sont les réformes nécessaires pour organiser et professionnaliser l’activité d’exportation ?

C’est à l’entreprise que revient la charge de conquérir des parts de marchés extérieurs ; elle ne peut cependant pas le faire seule. Un certain nombre de mesures qui relèvent de l’Etat et qui touchent aux procédures et règlements, aux aides et subventions, à l’infrastructure et à la logistique, aux pratiques bancaires et fiscales, doivent être prises pour engager une véritable dynamique d’exportation.

En 2015, notre organisation a élaboré un document portant « Plaidoyer pour l’émergence de l’économie algérienne ». Dans ce document, qui a été remis au courant de la même année aux plus hautes autorités de notre pays, nous avons identifié plus d’une trentaine de mesures qui doivent permettre à notre environnement des affaires encadrant les exportations d’être au même niveau de compétitivité et de réactivité que les autres pays de la région.

Sur la trentaine de mesures que nous avons proposées dans notre Plaidoyer, près  de la moitié est aujourd’hui mise en œuvre ou en voie de l’être. C’est une avancée importante qui a été réalisée en quelques mois. Cette démarche d’urgence ne nous fait cependant pas omettre de réfléchir à l’élaboration d’une véritable stratégie dédiée au développement des exportations.

Pour être opérationnel et efficace nous proposons la création sous l’autorité de monsieur le Premier Ministre, d’un « comité de pilotage » constitué des représentants de l’administration en charge de la promotion des exportations, du FCE, des opérateurs, publics et privés, ayant une expérience dans le domaine des exportations et d’experts en la matière.

Ce comité aura pour tâche de faire élaborer un diagnostic stratégique (état des lieux et objectifs) sur l’offre exportable des biens et services par wilaya en tenant compte des vocations agricoles, de la qualité du tissu d’entreprises implantées et de la spécialisation industrielle quand elle existe.

Le diagnostic devra faire également l’état des lieux des infrastructures existantes dédiées aux exportations (ports, aéroports, circuit vert, plateforme logistique). Sur la base des résultats du diagnostic stratégique, il sera proposé un programme d’actions précis et opératoire par couple de « produit-marché cible » sur les mesures à mettre en œuvre pour garantir la réussite des opérations d’exportation.

Les mesures proposées peuvent être de nature législative, institutionnelle (accords bi ou multilatéraux), réglementaire, infrastructurelle ou de management et de process, notamment des programmes ciblés de mise à niveau des entreprises et de la qualité des produits exportés.

Justement en ce qui concerne les entreprises, nous avons constaté que beaucoup d’entre elles ne possèdent pas de plan marketing à l’international et que, surtout, elles ont un déficit alarmant en termes de ressources humaines spécialisées dans les exportations. C’est pour cela que l’une de nos recommandations porte sur la création rapide d’un institut supérieur dédié aux « métiers » de l’exportation et de la mise en relation extérieure.

Pour revenir aux marchés cibles, trois ensembles régionaux retiennent notre attention, en priorité, l’Afrique où le dynamisme de la croissance économique, dont le taux moyen annuel est d’environ 5% depuis plus d’une décennie, présage enfin du décollage et du développement réel de notre continent.

L’Union Européenne, ensuite, avec laquelle il faudra nécessairement rééquilibrer l’accord d’association en faveur de l’économie algérienne par le relèvement des volumes exportables vers cette zone et l’assouplissement des barrières non tarifaires, enfin, la Zone arabe de libre-échange.

Le FCE a mentionné la nécessité d’une « transformation radicale de l’environnement des affaires ». Quels sont les aspects clés de cette transformation et quelles sont les stratégies nécessaires pour effectuer une telle transformation ?

D’abord, nous devons créer un cercle vertueux dans lequel chaque maillon à un rôle à jouer. Ainsi, l’Etat doit revenir à son rôle de facilitateur-contrôleur-régulateur et laisser aux entreprises la liberté d’entreprendre, d’investir et de prendre des initiatives. Ensuite, plusieurs priorités doivent être prises en considération.

Notre préoccupation est d’abord d’assurer le développement et la promotion de la production nationale de biens et de services dans le contexte d’une économie ouverte. Cela nécessite la mise en œuvre de solutions structurelles à la fois à travers des mesures transversales, touchant tous les aspects (financement, foncier industriel, fiscalité, gouvernance économique…) et des mesures sectorielles focalisant les efforts de relance notamment sur les filières pour lesquelles notre pays possède des avantages compétitifs clairs et exploitables et celles dont le développement revêt une importance évidente en matière de substitution aux importations, dans la production comme dans les services.

Nos priorités vont notamment à la réforme du système financier national dans toutes ses composantes dans le but de faire évoluer l’implication des banques dans le financement de l’économie, d’élever le taux de bancarisation, d’asseoir le rôle des compagnies d’assurance dans la captation de l’épargne et de dynamiser la bourse pour inscrire de nouveaux reflexes de financement des projets tant des PME que des grands groupes algériens.

Le FCE s’engage à soutenir toute initiative visant à promouvoir un environnement des affaires favorable en levant toutes les entraves qui s’y dressent et en travaillant à faciliter la vie des entreprises.

 Comment l’Algérie peut-elle attirer plus d’IDE ?

Les IDE hors hydrocarbures que l’Algérie a attiré au cours de la dernière décennie ne comble pas les attentes des milieux d’affaires algériens, eu égard à l’importance des besoins, à la taille de notre marché et surtout aux montants plus importants investis dans d’autres pays émergeants à commencer par les pays voisins.

En vérité, nous pensons que cette insuffisance d’attractivité des IDE n’est pas liée aux aspects juridiques mais à de nombreux facteurs sur lesquels nous travaillons avec les plus hautes autorités. Le FCE est engagé dans la concertation avec les administrations pour imaginer des solutions aux dysfonctionnements actuels que nous nous attachons à réduire. Nous nous attelons notamment à lutter contre l’économie informelle et le phénomène de la contrefaçon qui dissuadent les investisseurs.

Des dispositifs de régularisation volontaire au niveau des différentes administrations économiques publiques ont été mis en place afin de réduire l’impact de cette concurrence malsaine. Nous avons également préconisé des mesures pour améliorer l’accès au financement notamment en modernisant le marché bancaire et l’accès au foncier industriel. Des mesures plutôt encourageantes ont été annoncées dans le cadre du projet de loi de finances 2017.

D’ailleurs, je rappelle qu’un nouveau code des investissements a été promulgué tout récemment et que le cadre de régulation de l’IDE a été réajusté. Il prévoit des « avantages supplémentaires au profit des activités privilégiées (industrie, agriculture et tourisme) », notamment l’allongement de la durée des exemptions accordées aux investisseurs. Pour ce qui concerne le foncier industriel, le projet de création d’une cinquantaine de nouvelles zones est en bonne voie.

De quelle manière l’Algérie devrait-elle procéder pour monter sur la chaîne de valeur ?

Chaque filière a sa chaîne de valeur et chaque chaîne de valeur a ses spécificités (technologiques, marchés, accès aux ressources, facteurs clés de succès…). C’est dans le cadre de la stratégie industrielle (études des filières) que ces questions sont posées et des choix de positionnement sur les chaînes de valeur, nationales ou mondiales, sont définis.

Dans cette perspective, l’Algérie peut, avantageusement, se positionner sur quelques chaînes de valeurs mondiales (industries agroalimentaires, mécanique-automobile, électronique grand public, chimie/fertilisant, énergies renouvelables). Ici aussi, l’Etat doit identifier, après diagnostic des différentes chaînes de valeur, celles où un avantage compétitif existe ou peut être construit localement.

Un système d’incitation peut être mis en place pour susciter des dynamiques locales en vue de positionnement sur des chaînes de valeur mondiales. La compétitivité des entreprises sur un segment d’une chaîne est le critère principal, car se placer sur une chaîne de valeur signifie que l’entreprise se projette sur un marché mondial et, grâce à des économies d’échelle, elle peut améliorer encore sa compétitivité.

Généralement, on utilise le marché local comme cible pour monter en cadence, en expérience et en échelle pour bâtir une compétitivité durable qui permet l’accès à la chaîne de valeur mondiale. Les filières citées précédemment peuvent constituer un premier terrain d’exercice et d’expérience pour les entreprises algériennes dans le cadre d’une sous-traitance pour le marché local comme c’est le cas pour l’industrie automobile, ou pour la valorisation d’une ressource naturelle, ou encore la consolidation d’une compétitivité déjà construite localement.

Quels sont les besoins des PME algériennes et quelles sont les mesures à mettre en place afin d’impulser leur croissance ?

La PME est un axe de travail majeur du FCE car nous sommes persuadés que développement du tissu des PME est une nécessité absolue pour la transformation de l’économie Algérienne. Nous en sommes à 800000 PME tout au plus actuellement alors que ce type d’entreprise doit être le vecteur pour un développement économique durable.

 Le FCE avait revendiqué la révision de la loi d’orientation de 2001 relative au développement et à la promotion de la PME pour mettre en place un nouveau cadre législatif à l’effet de relancer le développement de ce type d’entreprises qui constitue le gisement le plus important pour la croissance et la création d’emplois. C’est maintenant chose faite ; un projet de loi vient d’être déposé au Parlement ; il ne devrait pas tarder à être adopté. Cette nouvelle loi réorganise les mécanismes de concertation entre les divers acteurs concernés en jetant les bases d’une élaboration et d’une mise en œuvre participative de la politique en direction de la PME, comme elle réorganise le dispositif institutionnel d’appui et d’accompagnement de la PME.

En fait toutes nos propositions qui s’articulent autour du climat des affaires seraient bénéfiques au PME. Les porteurs de projets pour la création de PME ont, avant toute chose, besoin d’informations sur le marché qu’elles ciblent. A cet effet, un système d’information, d’intelligence et de veille doit être mis en place pour leur permettre de mieux connaitre le domaine dans lequel ils souhaitent investir et toutes les procédures pour la création d’une entreprise.

Pour réduire le taux de mortalité de ces entreprises, les gestionnaires de ces PME doivent être orientés et accompagnés jusqu’à ce qu’ils soient rôdés en matière de management et surtout de réseautage. Evidemment, la question du financement se pose également avec acuité pour les PME qui sont souvent marginalisées par les banques.

Or, elles rencontrent encore plus de difficultés que les grandes entreprises pour lever des fonds pour financer les investissements. Face aux difficultés d’obtenir des crédits d’investissements bancaires, nous préconisons donc l’élargissement de la gamme des instruments de financements (fonds d’investissements, Business Angels) etc.) et de développer de nouvelles approches pour répondre aux besoins des PME.

Interview publiée dans le rapport Algeria 2016 d’Oxford Business Group OBG

Articles associés

Fil d'actualité

Articles de la semaine