AccueilContributionsL’agriculture algérienne peine a se développer en dépit de moyens financiers colossaux

L’agriculture algérienne peine a se développer en dépit de moyens financiers colossaux

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L’agriculture algérienne a beaucoup bénéficié de la manne pétrolière ces dix dernières années. Environ 220 milliards de dollars de recettes d’hydrocarbures lui furent en effet consacrés pour développer aussi bien l’amont (production) que l’aval (agroalimentaire) agricoles. L’amont agricole bénéficiera dés l’année 2001, d’un programme spécial de développement (PNDA) dont ont bénéficié très généreusement aussi bien les exploitations publiques que privées. Et, même si la rentabilité des investissements laisse à désirer, la réalisation de projets structurants comme la création de grands périmètres irrigués, la mise en valeur de centaines de milliers d’hectares, l’extension des surfaces céréalières, arboricoles et autres, ont à l’évidence beaucoup contribué à l’augmentation du potentiel agricole algérien. L’amont Agricole, qui emploie environ 1,6 millions de personnes (23% de la population active) est ainsi devenu le contributeur principal à la richesse nationale hors hydrocarbures (11% du PIB). Le surcroît de production dégagé par les exploitations agricoles a permis de redynamiser l’aval agricole au point que le chiffre d’affaire réalisé par l’agroalimentaire  représente aujourd’hui près de 50% l’activité industrielle nationale. C’est dire l’importance de ce secteur appelé à donner encore davantage de valeur ajoutée au pays en raison de l’importance des capitaux qui y sont investis et de la tendance à l’amélioration des performances productives qu’on commence déjà à percevoir tant au niveau des exploitations agricoles que dans les unités agroalimentaires.

S’il est encore loin de l’optimum, l’amont agricole commence, en effet, à dégager dans certaines filières des excédents susceptibles d’alimenter l’aval agricole. Depuis ces cinq dernières années il n’est en effet pas rare que des exploitants agricoles appellent l’Etat à leur rescousse pour trouver solution aux excédents de produits périssables qu’ils ne parviennent pas à écouler notamment en période chaude. C’est le cas pour les agrumes, certains fruits et légumes, le lait de vaches et, quelques fois même, les viandes blanches qui doivent impérativement être stockées en chambres froides ou transformées en conserves industrielles. C’est sans doute en raison des surplus que commence à dégager l’amont agricole, qu’on observe aujourd’hui un réel engouement des investisseurs pour l’industrie agroalimentaire, mais aussi, pour la réalisation de chambres froides dont la surface a été quintuplée au cours de ces dernières années. Ce surcroît d’intérêt est  perceptible à travers les initiatives multiformes mises en œuvre dans diverses filières agroalimentaires allant de la fabrication de conserves à base de légumes et fruits (confitures, jus de fruits), en passant par la transformation des céréales et du lait en divers produits alimentaires (biscuits, yaourts etc.).

Si l’Etat continue aujourd’hui encore à détenir de nombreuses entreprises de la filière agroalimentaire, force est de constater que c’est le privé qui prédomine largement, aussi bien à l’amont, qu’à l’aval agricole. Le privé national et étranger tend même à conforter chaque année un peu plus sa présence en y promouvant de gros investissements. Jugeant l’investissement rentable dans pratiquement toutes les filières de l’agroalimentaire, des investisseurs français, espagnols, italiens, arabes sont déjà pied d’œuvre dans différentes régions agricoles du pays. Seuls ou en partenariat avec des opérateurs algériens,  ils n’hésitent plus à se lancer dans des initiatives qui rapportent gros tant le marché est demandeur.  Longtemps restés en marge de cet élan d’investissement, les grandes firmes agroalimentaires françaises ont-elles aussi décidé d’avoir une politique plus volontariste en direction du marché algérien. Ces trois dernières années ont, à titre d’exemples, été marquées par la signature de huit conventions cadres visant à développer en association avec des exploitants publics et privés algériens, les filières de la viande, des fruits et des légumes. La coopération porte notamment sur le transfert de savoir faire dans les domaines de la mécanisation agricole, le développement des semences, la fertilisation des sols, le stockage et l’agriculture saharienne. Les exemples de création, en collaboration avec certains producteurs français, de centres de production et de transformation de lait de vaches sont toutefois nombreux en Algérie et notamment en en Kabylie où certaines localités autrefois désertes ont été, comme c’est le cas de la localité de Fréha (30 Km à l’est de Tizi Ouzou) rapidement transformée en zone verdoyante d’élevage et de production laitière. , Cent kilomètres plus loin, dans la wilaya de Bejaïa, se trouve également le plus grand pôle agroalimentaire algérien constitué, notamment, des grandes entreprises privées Cévital, Danone, Soummam, Ifri et Général Emballage.

Les opportunités de partenariat, aussi bien, à l’amont qu’à l’aval agricole, ne manquent évidemment pas sur toute l’étendue du très vaste territoire algérien. « La dominante privée qui caractérise la propriété agricole et les capitaux disponibles, incitent de plus en plus d’investisseurs étrangers, notamment français, à se rapprocher des exploitants algériens à l’effet de promouvoir en commun des activités agroalimentaires » nous apprend un représentant de la Chambre d’Agriculture de la Wilaya de Tizi-Ouzou qui précise que certains émigrés de retour au pays obtiennent souvent l’aide d’exploitants agricoles et industriels français pour mettre en valeur leurs terres et transformer certains produits agricoles en utilisant des moyens et méthodes modernes». De nombreux témoignages de « succès stories » nous parviennent effectivement de ces régions à forte émigration (Tizi-Ouzou, Bejaia et Jijel notamment) où la topographie locale a la particularité de présenter de nombreuses similitudes avec celle des Pyrénées et des Alpes maritimes française. L’empreinte de la coopération française est déjà perceptible à travers la fabrication locale de toute une gamme de fromages du terroir (gruyère, camembert, reblochon etc.) aujourd’hui disponibles dans les magasins d’alimentation de la région.

Les investissements mis en œuvre tout au long de ces dix dernières années au profit de l’amont agricole, ont commencé à porter leurs fruits au nord comme au sud du pays. L’augmentation massive et multiforme de la production agricole qui ne manquera d’en résulter est de nature à impulser une très forte dynamique à l’industrie agroalimentaire. Des unités de production nouvelles commencent à naître et celles qui fonctionnaient au ralenti pour insuffisance d’approvisionnements ont pu augmenter leurs performances productives à la faveur de ce relatif accroissement de la production agricole qui sera certainement conforté dans les prochaines années.   

De fructueux partenariats entre opérateurs algériens et étrangers, sont effectivement en train de se développer pour booster cet essor qui permettra à l’Algérie de réduire à terme  sa dépendance des importations. L’enjeu est en effet de taille, quand on sait que le pays est depuis quelques années le premier importateur africain de denrées alimentaires. Pas moins de 75% de ses besoins alimentaires sont en effet assurés par les importations. C’est une dépendance désastreuse tant au plan financier qu’au plan sécuritaire, s’agissant notamment des céréales et du lait qui constituent la nourriture de base des algériens. L’Algérie est, en effet, un des plus gros importateurs de céréales au monde. Des céréales destinées, aussi bien, à l’alimentation de la population (blés, farine etc.) qu’à celle des animaux (maïs, orge etc.). La demande nationale estimée à 8 millions de tonnes par an n’est couverte qu’à environ 30% par la production domestique. Les dépenses d’importations sont de ce fait ruineuses (800 millions d’euros uniquement pour les céréales importées de France) et l’intérêt de développer une industrie agroalimentaire à base de céréales (pâtes, biscuits, farines lactées etc.), n’a pas de sens en raisons des coûts trop élevés des matières premières importées.

La facture d’importation de lait est également très lourde. Elle était de 1,3 milliards de dollars en 2008. Une certaine tendance à la baisse a certes été au cours de ces cinq dernières années en raison d’un accroissement substantiel de lait cru, mais la croissance naturelle de la population est si forte que ce surcroît de production sera vite réduit à néant par la très forte poussée démographique qui donne à l’Algérie chaque année plus d’un million d’enfants de plus à nourrir.

Nordine Grim

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