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L’activisme informel à l’origine de l’absentéisme et de l’indiscipline au travail 

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Le ministre du travail, de l’emploi et de la sécurité sociale, monsieur Mohamed El Ghazi, serait décidé à faire de la lutte contre l’absentéisme et l’incivisme au travail ses principales priorités. L’absentéisme à travers ses diverses manifestations et les certificats de complaisance qui y contribuent sont nommément ciblés, avec la promesse de sévir durement contre ces malversations qui affectent très gravement l’économie nationale et le bon fonctionnement des administrations et services publics.

L’incivisme au travail en grande partie due à une législation héritée de l’ère socialiste qui surprotège  les travailleurs, au laxisme des dirigeants, au relâchement de la déontologie médicale et aux gains substantiels tirés des activités informelles n’est en réalité pas nouveau et l’on se souvient qu’au début des années 80 déjà, le gouvernement algérien avait mis en œuvre une certaine « campagne d’assainissement » visant précisément à traquer dans les rues les absentéistes. Une campagne aux allures de feu de paille vite éteint en raison des fortes contestations populaires et des maigres résultats obtenus. Le mal n’a pas cessé depuis, notamment durant la décennie noire qui a occasionné un grave relâchement de l’autorité de l’Etat et donné libre cours à l’anomie, en général, et à l’incivisme professionnel, en particulier. Toutes les institutions et entreprises publiques en sont aujourd’hui atteintes et, pour y faire face, il faudrait une réelle volonté politique qui n’existe malheureusement pas et l’implication de nombreux acteurs (responsables politiques, cadres dirigeants d’institutions et entreprises publiques, services de sécurité, inspections du travail, l’Ordre des médecins, tribunaux etc.) qu’il est difficile de mobiliser pour la cause.

Il est pourtant impératif de le faire, car au moment où le gouvernement envisage de booster l’investissement au moyen de coûteuses mesures incitatives, des milliers d’entreprises se meurent sous les effets conjugués de l’absentéisme et de l’indiscipline qui affecte tout l’environnement du travail. Il suffit de se rendre dans certaines administrations et unités de production pour se rendre compte à quel point le mal est profond. Si dans les premières, les services tournent généralement au ralenti faute d’agents et de dévouement au travail, dans les usines, il n’est pas rare de voire des chaînes de fabrication arrêtées ou tournant à faibles rendements pour causes d’ouvriers retardataires ou carrément absents. Des conditions d’exploitation peu viables qui ont, dans bien des cas, contraints des industriels à fermer leurs unités de production ou à changer d’activité. L’exploitation et la promotion d’investissements productifs ne sont effectivement pas intéressantes dans ce cas, car elles peuvent conduire à la ruine.

L’absentéisme, l’indiscipline et le manque de fermeté des cadres dirigeants constituent comme nous avons pu le constater d’insurmontables contraintes pour les responsables de chaînes de fabrication et chefs de chantiers qui souhaitent organiser du mieux possible le travail. Les travailleurs arrivent, en effet, souvent en retard lorsqu’ils ne s’absentent pas carrément sans prévenir. Les congés de fêtes religieuses sont unilatéralement prolongés occasionnant de fréquentes perturbations aux usines qui éprouvent ainsi du mal à maintenir leurs cadences de production à un niveau optimal.

Si les pertes engendrées sont généralement prises en charge par l’Etat pour ce qui est des entreprises publiques (assainissement financiers, subventions, etc.), celles du secteur privé ne bénéficient par contre pas de ce privilège. Elles ne peuvent compter que sur elles-mêmes en cas de pertes dues à cet environnement du travail peu propice à la performance. D’où leur légitime prudence quand il s’agit d’investir dans des activités qui sollicitent une nombreuse main d’œuvre.

Les absences et l’indiscipline ne sont, par ailleurs, pas faites pour favoriser des actions de formation au profit des travailleurs manquant de qualification, ce qui maintient les entreprises et les institutions algériennes dans un état de stagnation permanente. Les formations qualifiantes n’ouvrant pas droit à des gains salariaux supplémentaires, les employés auraient souvent tendance à ne pas les prendre au sérieux ou à les éviter carrément en faisant valoir des certificats médicaux de complaisance.

A l’origine de l’absentéisme et de l’indiscipline au travail il y aurait selon les quelques dirigeants d’entreprises que nous avons interrogés sur  la question, toutes ces activités informelles qui permettent de gagner en quelques journées ce qu’un ouvrier, un fonctionnaire gagnerait en un mois dans une usine ou une administration publique. Le gain facile a perturbé la morale du travail qui prévalait chez les algériens avant l’avènement de ce fléau qui sévit depuis longtemps en Algérie mais qui a pris une ampleur considérable durant ces quinze dernières années. Les algériens ne tiennent plus à leurs emplois et encore moins à leur formation comme par le passé, profondément convaincus qu’ils sont de pouvoir gagner beaucoup d’argent en agissant autrement. La course aux cumuls d’activités informelles est alors ouverte. De nombreux employés d’entreprises et administration (cadres y compris) sont dans bien des cas propriétaires de commerces, travailleurs occasionnels au profit d’autres employeurs ou d’opportuns « trabendiste ». Des activités qui ont dans tous les cas tendance à les rendre moins besogneux et engagés profit des entreprises ou administrations qui, officiellement, les emploient.  Et, il n’est à l’évidence pas facile d’asseoir une économie productive et performante sur de telles bases. L’absentéisme et l’indiscipline au travail étant en grande partie générés par ces pratiques informelles, c’est à ces dernières que les autorités politiques devraient donc s’attaquer en priorité. A défaut ces fléaux continueront à sévir avec ou sans certificats médicaux de complaisance.

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