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Turquie: après le putsch manqué, les nuages s’amoncellent sur l’économie

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Une monnaie affaiblie, des investisseurs étrangers inquiets, un tourisme frappé de plein fouet: le putsch manqué du 15 juillet va laisser des traces sur l’économie turque, malgré les efforts du pouvoir pour en minimiser l’impact.

Depuis le 15 juillet se succèdent sur les télévisions les images de chars dans les rues, de chasseurs survolant Istanbul et Ankara, de bâtiments en ruines, de suspects menottés traînés par milliers devant les tribunaux, de foules vengeresses encouragées par des dirigeants martiaux.

Ces événements aussi brutaux qu’inattendus « vont très certainement dissuader l’investissement étranger », dit William Jackson, spécialiste des économies émergentes dans le centre de recherche londonien, Capital Economics. « Quant aux sociétés déjà présentes en Turquie, il semble improbable qu’elles accroissent leurs opérations. »

« Les pertes immédiates en terme de baisse des visites touristiques et d’investissements différés, ralentiront probablement la croissance » en 2016 et 2017, prévient l’Institute of International finance (IFF), un lobby basé à Washington regroupant 500 établissements bancaires.

Si la situation s’aggravait, « les retombées pourraient devenir plus grave et menacer la stabilité financière », met en garde l’IFF. La Turquie a connu une croissance de 4% en 2015, un taux que le Fonds monétaire international prévoyait peu ou prou pour cette année.

Le niveau de vie de la population est en croissance constante depuis le début des années 2000, période qui correspond à l’arrivée de Recep Tayyip Erdogan aux affaires. Sa dette publique pèse pour seulement un tiers de son Produit intérieur brut.

Mais la Turquie a aussi des faiblesses structurelles susceptibles d’être accrues par le putsch raté: une inflation annuelle à près de 7%, une épargne privée faible, une dépendance aux investissements étrangers, un secteur bancaire fragilisé par une économie fondée sur l’endettement.

Sans compter un tourisme touché de plein fouet par les attentats récents: avant le coup d’Etat, les experts estimaient que la situation politique et les risques terroristes pourraient coûter 8 milliards de dollars à ce secteur qui emploie 8% de la population active. En mai, le nombre de touristes visitant la Turquie avait chuté d’un tiers.

Les conséquences du putsch seront-elles compensées par le retour des Russes? Des sanctions avaient été imposées par Moscou à l’automne 2015 après qu’un de ses bombardiers avait été abattu par la chasse turque. Les Russes sont avec les Allemands et les Britanniques les premiers visiteurs du pays.

Mais le tourisme n’est pas le seul souci. « Si les capitaux fuient, la livre chutera et l’économie devra s’adapter en diminuant ses importations », prévient William Jackson.

Dans les jours qui ont suivi le putsch, la livre a perdu 6% par rapport au dollar. Depuis avril, la baisse est de 10%. Une baisse de la monnaie a des conséquences directes pour les entreprises, très endettées en devises étrangères.

« En Turquie, si la monnaie chute trop, c’est particulièrement douloureux (…) et cela peut conduire à un scénario de récession », dit Michael Harris, responsable du département de recherche dans la banque d’investissement Renaissance Capital, spécialisée dans les marchés émergents.

En janvier, la Coface, l’assureur français du commerce extérieur, relevait que « les réserves de change du pays pourraient s’avérer insuffisantes face à un retrait brutal de capitaux ».

« Il y a donc un certain nombre de facteurs susceptibles de conduire à un retournement brutal de l’économie dans les prochaines années », « avec potentiellement une récession », met en garde William Jackson.  Le pouvoir s’emploie à rassurer. Pour le vice-Premier ministre chargé des Finances, Mehmet Simsek, « l’impact de la tentative de coup d’Etat sera sûrement de courte durée, les conséquences relativement insignifiantes ».

La semaine dernière, les médias progouvernementaux ont ouvert leurs pages aux patrons exprimant leur gratitude envers le président Erdogan ou aux investisseurs expliquant vouloir maintenir, voire accroître, leurs apports de capitaux.

Et peu importerait la dégradation de BB+ à BB de la note de la dette par Standard and Poor’s, une décision « complètement politique », selon le président Erdogan qui a pris à partie l’agence devant els députés: « En quoi cela vous regarde-t-il, qui êtes-vous, pour qui vous prenez-vous? ».

Source : AFP

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