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Avec un Bund négatif, la dette des Etats européens entre dans une nouvelle dimension

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Une nouvelle ère s’est ouverte mardi pour les dettes des États européens avec l’entrée en territoire négatif de l’étalon du marché, le taux d’emprunt à 10 ans de l’Allemagne, le fameux « Bund » et ce, contre toute logique financière. « Le cap est symbolique, même si nous le voyions se profiler depuis longtemps déjà, toutefois nous ne l’attendions pas aussi tôt », résume auprès de l’AFP Patrick Jacq, un spécialiste de la dette de BNP Paribas.

La tendance de fond était déjà présente avec des échéances plus courtes aux taux déjà négatifs, mais « l’arrivée du navire amiral » fait « rentrer le marché dans une nouvelle ère d’un point de vue psychologique » en confirmant le changement de dimension, complète-t-il.

Cette glissade est surtout la conséquence de la générosité des banques centrales, BCE en tête, et à plus court terme d’un environnement économique et politique incertain, avec en particulier le vote dans 10 jours sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne.

« D’un côté, il y a le Brexit, avec une incertitude telle que tout le monde opte pour des valeurs refuges en attendant que cela passe et de l’autre il y a la Banque centrale européenne » qui achète aussi massivement des titres de dette des États, souligne également René Defossez, un expert de la dette de Natixis basé à Londres.

Dans un climat mouvant, les investisseurs se réfugient en effet toujours vers les actifs les plus solides, comme l’or par exemple, mais également les obligations d’États, à commencer par le Bund, considérée en Europe comme la valeur la plus sûre.

Le taux d’emprunt à 10 ans de l’Allemagne sert en effet de point de comparaison à tous les autres actifs obligataires européens, aussi bien les dettes souveraines que celles des entreprises pour évaluer leur qualité. Plus l’écart (ou « spread ») entre un titre de dette et le Bund sera faible, plus le titre sera considéré comme sûr et inversement.

C’est ce qui explique que si l’Allemagne a été précédée sur ce terrain négatif par la Suisse et le Japon, la portée symbolique est d’une ampleur différente. S’y ajoute en outre le poids économique du pays, première puissance européenne. « L’Allemagne est l’un des rares pays 9A (doté de triple A dans les trois principales agences de notation, ndlr) qui reste au monde », relève M. Defossez.

Ce taux négatif signifie concrètement que les investisseurs qui achètent aujourd’hui de la dette allemande à dix ans s’engagent à verser au pays une somme d’argent s’ils conservent le titre jusqu’à son échéance.

« Un investisseur qui a acheté aujourd’hui un titre de dette allemande à 105 euros se verra rembourser 100 euros dans 10 ans s’il le garde jusqu’à la fin », explique M. Jacq.

« L’installation des rendements en dessous de zéro montre une fois encore les défis immenses auxquels font face actuellement les marchés financiers », souligne Ulrich Kater, chef économiste chez DekaBank.

Cette situation « n’est pas dans la logique normale du marché » où les investisseurs sont censés gagner de l’argent en prêtant, poursuit M. Jacq, « mais c’est logique dans l’état actuel des choses » où la plupart des actifs financiers sont très malmenés.

Le Bund reste donc le placement le plus sûr, et dans un tel environnement cette sûreté a un prix que les investisseurs sont prêts à payer.

Du côté de l’emprunteur, en particulier dans le contexte économique poussif de la zone euro ces dernières années, payer moins d’intérêts offre par contre de belles marges de manoeuvres budgétaires.

La faiblesse des taux allemands ces dernières années a ainsi permis à l’Allemagne de réduire sa charge d’intérêts d’environ 20 milliards d’euros par an entre 2008 (plus de 40 mds) et 2015 (21 mds).

Et elle a été un facteur essentiel dans la présentation par Wolfgang Schäuble dès 2014, un an avant l’échéance prévue, d’un budget fédéral à l’équilibre, pour la première fois depuis 1969.

Ce qui n’empêche pas le ministre allemand des Finances, de pointer en même temps les dangers de cet environnement de taux très bas, qui complique la vie de ses compatriotes friands d’épargne.

Source : AFP

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