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La lenteur de la transition retarde l’avènement d’une économie performante

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En dépit des résistances aux changements qui ont considérablement retardé la transition à l’économie de marché, on ne peut nier que les réformes mises en œuvre tout au long de ces quinze dernières années ont tout de même généré d’importantes mutations auxquels l’Algérie des années 80 ne pouvait objectivement prétendre. Des milliers d’entreprises privées ont ainsi pu naître et prospérer au point de surclasser le secteur public qui avait régné des années durant l’économie du pays, en matière de contribution à la richesse nationale. Plus des deux tiers de la richesse nationale hors hydrocarbures sont, en effet produits par le privé, ce que ne pouvaient absolument pas prévoir les gouvernants de l’Algérie socialiste qui avaient confié le destin économique aux entreprises publiques et à elles seules.

Et même si on est encore loin du compte, l’amélioration progressive du climat des affaires et l’intérêt que portent de plus en plus d’entrepreneurs aux nouvelles technologies, sont de nature à favoriser encore d’avantage l’émergence, aussi bien en nombre qu’en qualité, de petite et moyennes entreprises auxquelles leurs promoteurs tentent d’appliquer, souvent avec succès, les règles du management moderne. Notre conviction est que l’Algérie dispose aujourd’hui de suffisamment d’atouts, parmi lesquels on peut citer la disponibilité réserves de change encore très importantes en dépit d’une forte baisse enregistrée cette année, mais aussi et surtout, l’engouement d’une importante frange de la population pour les affaires qui augure d’un  avenir prometteur pour le développement de l’entrepreneuriat. Mais il ne faut toutefois pas se faire d’illusions : l’investissement et la création d’entreprises ne prospèrent que dans un pays où ils trouvent un environnement des affaires favorable et des autorités politiques dotées d’une réelle volonté d’aller de l’avant en matière de transition vers un authentique système de marché. Les autorités algériennes qui semblent l’avoir compris  œuvrent depuis ces toutes dernières années progressivement à la mise en place d’un dispositif plus souple expurgé autant que possible des procédures contraignantes et sans réelle utilité. Les investisseurs étant par ailleurs sensibles à la présence d’un Etat régulateur, ces autorités travaillent aussi à la mise en place d’un Droit des contrats susceptible de protéger leurs intérêts avec, notamment, la possibilité qui leur set désormais offerte de recourir à l’arbitrage international, au cas où ils se sentiraient lésés dans leurs droits.  D’importants éléments structurants, comme l’ordonnance relative à la promotion de l’investissement qui subira très bien des réajustements bénéfiques aux promoteurs, le code des marchés publics constamment actualisé, et certaines conventions internationales, commencent déjà à donner un contenu concret à ce droit des contrats  que les chefs d’entreprises n’avaient de cesse de réclamer. On a bon espoir que les contestations élevées çà et là par les hommes d’affaires, aussi bien, nationaux qu’étrangers, ramènent les autorités algériennes sur le chemin du Droit universel duquel elles se sont écartées, sans doute, sous l’influence de groupes d’intérêts locaux ou par simple mimétisme d’exemples de reprises en main autoritaires constatés notamment en Russie, au Venezuela et dans quelques pays du Golfe.

Beaucoup de chemin a déjà été accompli dans ce long et périlleux processus d’édification d’une économie de marché, sur les décombres d’un système socialiste qui a profondément marqué la société algérienne. Le mérite de l’Algérie est d’avoir entrepris les réformes requises dans des conditions particulièrement difficiles (crise financière, insécurité, système de formation archaïque, retard dans la maîtrise des TIC, mentalités rentières héritées du régime socialiste etc.). Un important retard dans la mise en œuvre de certaines réformes ( le système bancaire et les tribunaux commerciaux notamment)) et des occasions manquées (privatisation des entreprises publiques) sont certes à déplorer, mais, plutôt que d’épiloguer sur les ratés du processus de réforme, il serait à notre avis beaucoup plus productif de réfléchir à ce qui reste à faire, mais surtout, à la nécessité de le faire sans trop tarder, eu égard au déclin des recettes d’hydrocarbures et des réserves de change constaté cette année.

D’aucuns parmi les observateurs de la scène économique algérienne, considèrent que l’Algérie est aujourd’hui un pays mûr pour l’investissement, mais plus encore, pour les grands investissements productifs créateurs de richesses et d’emplois mais à condition qu’on ne les briment pas comme a malheureusement pu le constater à travers le traitement pour le moins humiliant que certains membres du gouvernement ont affligé à un entrepreneur aussi emblématique qu’Issad Rebrab, patron du groupe Cévital. Les managers algériens capables de relever le défit de la modernité entrepreneuriale existent et, même si beaucoup reste encore à faire pour achever la transition à l’économie de marché, nous sommes toutefois persuadés que nos entreprises pourront activer selon les règles de gestion universelles à plus ou moins brève échéance. Les chefs d’entreprises, notamment ceux du secteur privé, semblent l’avoir parfaitement compris en s’impliquant chaque année davantage dans la promotion et le développement du réseau d’entreprises. L’acquisition d’actifs publics, l’organisation en sociétés par actions de nombreuses entreprises privées familiales et la modernisation de leur management, constituent, nous en sommes convaincus, autant d’atouts pour l’essor de nos PME, à charge pour l’État de les accompagner en y mettant, notamment, les moyens et le cadre législatif requis. Les entrepreneurs algériens sont, à l’évidence, de plus en plus soucieux d’adapter leurs entreprises aux changements induits par la mondialisation, les techniques de management et les nouvelles technologies.

Le souhait communément partagé par nos chefs d’entreprises, qu’ils appartiennent  au secteur public ou privé, est que l’État qui en a, à lui seul, la prérogative, mette enfin à leur disposition les outils fondamentaux de l’économie de marché. Sans marché financier, sans marché des changes, sans moyens de paiement modernes, sans bourse des valeurs, sans banque d’investissement à long terme opérationnelle, sans marché foncier et sans marché immobilier, il ne leur sera, à l’évidence, pas facile de préparer leurs entreprises à la compétition commerciale sans frontières, en modernisant notamment la gestion de leurs ressources humaines et matérielles. L’essor prodigieux qu’elles ont enregistré au cours de ces dernières années risquerait même d’être compromis si ces outils fondamentaux de l’économie moderne venaient encore à faire défaut dans les toutes prochaines années à venir.

Accélérer les réformes dans le sens de la construction d’un authentique système de marché régulé par l’État, est de notre point de vue, l’alternative et, sans doute la seule, qui puisse permettre à nos entreprises de s’adapter aux changements systémiques induits par la mondialisation. C’est en se modernisant et en travaillant selon les standards universels, que nos jeunes entreprises pourront progressivement s’ériger en firmes performantes, capables de résister aux assauts de la concurrence internationale et, pourquoi pas, être beaucoup plus offensives en matière d’exportation et de déploiement international. Il faut bien se rendre à l’évidence que la faiblesse de nos entreprises, n’est pas due au système de marché mais, plus précisément, à son absence. Après vingt années de réformes conduites par une douzaine de gouvernements ayant chacun sa propre vision du modèle économique à construire, l’Algérie ne peut effectivement pas prétendre avoir achevé d’édifier un authentique système de marché, offrant aux entreprises et autres acteurs économiques, la possibilité, de travailler avec les outils propres à ce système. Comment une entreprise algérienne peut elle être performante s’il lui est, comme c’est actuellement le cas, difficile, sinon impossible, de se financer dans un pays où il n’existe pas de places financières et où la politique de change est extrêmement restrictive ? Un important travail reste également à faire en matière d’environnement des économique qui, en l’état actuel, ne favorise ni l’entreprise locale ni les investisseurs étrangers, qui souffrent plus que jamais des lenteurs bureaucratiques, de l’instabilité juridique, de l’absence d’un État de Droit, de difficultés d’accès aux fonciers et autres aléas qui affectent le climat des affaires qui est, faut il le rappeler, un des plus dissuasif de la planète.

Le challenge pour les années à venir devrait précisément consister à réaliser les réformes économiques et sociales qui manquent à l’édifice. La crise économique internationale dont il faut redouter de graves retombées sur le pays, pourrait servir de catalyseur et pourquoi pas, d’occasion pour les pouvoirs publics de corriger, les défaillances des réformes précédemment engagées. On pourrait, à titre d’exemples de correctifs à apporter au modèle économique à édifier, suggérer le renforcement du rôle de l’État régulateur, la protection des secteurs stratégiques vulnérables, le recours au patriotisme économique lorsqu’il s’agit d’octroyer des marchés publics aux entreprises locales, le sauvetage par l’État des banques et entreprises stratégiques chaque fois que nécessaire etc. Il est évident que la construction d’une économie de marché doit aller de paire avec l’édification d’un système de gouvernance démocratique qui devrait même la précéder. La concertation démocratique est effectivement de nature à renforcer le consensus autour de l’application des réformes éloignant du coup les interférences politico-administratives qui les avaient souvent perturbées. Mais quand on connaît l’histoire tourmentée du pays durant ces deux dernières décennies on ne peut, évidemment, qu’être nuancé sur les chances de donner aux réformes cet environnement politique idéal.

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