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Malgré leur niveau d’études élevé, les femmes arabes n’ont toujours pas accès à l’emploi…

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D’après l’édition 2015 du rapport mondial sur la parité entre hommes et femmes (Global Gender Gap Report), 13 des 15 pays affichant les plus faibles taux de participation des femmes à la vie active se trouvent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (région MENA). Le Yémen affiche le taux le plus bas, suivi par la Syrie, la Jordanie, l’Iran, le Maroc, l’Arabie saoudite, l’Algérie, le Liban, l’Égypte, Oman, la Tunisie, la Mauritanie et la Turquie.
Pourquoi le taux d’activité des femmes est-il si modeste dans la région MENA, où les filles sont autant instruites que les garçons et, souvent, réussissent mieux à l’école ?
Les travaux de recherche que Ragui Assaad a présentés récemment à la Banque mondiale montrent que la distribution des notes entre garçons et filles est globalement la même dans les pays les plus peuplés de la région : Algérie, Égypte, Iran, Maroc, Turquie et Liban. Et, selon le rapport co-rédigé par Ragui Assaad, Equality of Opportunity in Education in the Middle East and North Africa, il semble que les filles obtiennent de meilleurs résultats que les garçons dans les pays du Golfe, ainsi qu’en Jordanie et en Palestine.
En Arabie saoudite, les filles ont de meilleures notes en sciences et en mathématiqu. En Iran, on constate que les filles ont rattrapé les garçons, inversant l’écart de résultats, entre 1999 et 2007, à la fois en mathématiques et en sciences. En Jordanie, les niveaux d’études ont toujours été très élevés, les filles faisant mieux que les garçons depuis des décennies.
Les notes plus élevées obtenues par les filles en mathématiques à Bahreïn, Dubaï, Oman, au Qatar et en Arabie saoudite contrastent toutefois avec les tendances mondiales. Cela pourrait indiquer que, dans les économies pétrolières, les garçons ne sont pas incités à bien travailler à l’école parce qu’ils ont un statut « privilégié » : ils entreront dans la fonction publique et seront rémunérés par l’État.
Pourquoi donc n’y-a-t-il pas davantage de femmes scientifiques ou ingénieurs sur le marché du travail ? Parmi les nombreux facteurs économiques mis en évidence par Ragui Assaad, trois sont particulièrement déterminants : i) la structure patriarcale des États de la région ; ii) la prédominance des emplois publics et le faible nombre d’emplois dans le secteur privé ; et iii) un environnement de l’entreprise qui exclut les femmes en raison d’une conception traditionaliste de leur rôle et de l’absence de système prenant en charge les coûts liés à la maternité et à la famille.
Premièrement, le cadre socio-économique (tout particulièrement dans les pays pétroliers) décourage les femmes de travailler alors même qu’il les encourage à faire des études. Les revenus pétroliers directs et indirects perpétuent les structures familiales patriarcales, car l’État lui-même agit en « patriarche » vis-à-vis de ses citoyens : il leur procure emploi et revenu. Cette tutelle de l’État ne fait probablement que renforcer la conception traditionaliste du rôle des femmes. Les revenus pétroliers structurent aussi l’économie en la détournant des secteurs à dominante féminine.
Deuxièmement, dans un État patriarcal, le secteur privé est généralement faible et dépendant, et il ne souhaite pas, ou ne peut pas, prendre en charge le coût du rôle maternel des femmes, ce qui fait largement obstacle à la participation des femmes au marché du travail.

Troisièmement, l’environnement de l’entreprise dissuade les femmes de travailler. Aucun pays arabe n’a défini de quota de femmes dans les conseils d’administration des entreprises. Seuls le Maroc et Djibouti ont adopté une législation qui lutte contre les discriminations fondées sur le sexe à l’embauche et qui est axée sur l’égalité de rémunération à travail égal. L’Algérie a, elle aussi, légiféré en faveur du principe « à travail égal, salaire égal ».
Étant donné les freins juridiques et les problèmes de transport (par exemple en Arabie saoudite, où les femmes n’ont pas le droit de conduire), ainsi que les normes sexuelles qui excluent les femmes de certaines catégories d’emploi, la plupart des femmes travaillent dans le secteur public, où les emplois et les revenus sont plus stables et où les horaires de travail sont jugés socialement plus acceptables que dans le secteur privé.
Ragui Assaad observe qu’une fois mariées, les femmes qui étaient employées dans le secteur privé cessent généralement de travailler. En revanche, la probabilité que les femmes employées dans le secteur public ou qui ont un emploi non salarié continuent de travailler augmente bien après le mariage, ce qui conforte l’idée selon laquelle les emplois publics sont les emplois qui conviennent le mieux pour les femmes qui souhaitent se marier. Dans un État patriarcal qui privilégie les hommes, si le secteur privé ne se développe pas et s’il n’est pas incité à embaucher davantage de femmes, celles-ci continueront de lutter en vain pour accéder à des emplois publics qui sont en nombre limité et captés par les hommes.
Il importe toutefois de noter que, même si les taux d’activité chez les femmes sont plus faibles dans les pays du Golfe que dans d’autres économies riches, ceux du Bahreïn, du Koweït, du Qatar et des Émirats arabes unis sont parmi les plus élevés dans la région MENA. C’est peut-être, là encore, parce que le secteur public, où la plupart des femmes arabes préfèrent travailler, est très étendu dans ces pays (l’Arabie saoudite fait exception, avec un taux d’activité féminine qui avoisine 21 % d’après l’édition 2016 du rapport Les femmes, l’entreprise et le droit).
La région MENA perdrait l’équivalent de 27 % de son revenu à cause du faible taux de participation des femmes à la vie active. Ce chiffre donne la mesure de ce que le monde arabe pourrait accomplir en changeant de modèle économique, afin d’encourager le développement du secteur privé et de créer davantage d’emplois, et en facilitant le travail des femmes tout en le rendant socialement plus acceptable.

Par Maha El-Swais (publication WB)

 

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