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Abdelatif Benachenhou plaide pour une industrie sans illusion, ni subventions

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A l’occasion d’une conférence débat qu’il avait animé ce mardi 26 janvier 2016 en compagnie du professeur émérite Christian de Boisseau à l’hôtel Sofitel d’Alger, à l’invitation de la Chambre de Commerce et d’Industrie algéro-française, le professeur Abdelatif Benachenhou a traité, avec le réalisme tranchant qui le caractérise, de la problématique centrale de la ré industrialisation, dans un contexte de forte restriction financière.

Le titre qu’il a donné à son intervention « Industrie de demain : sans illusion ni subvention » est à ce titre très évocateur. Comment, en effet, faire pour redresser un secteur industriel qui ne représente plus que 3% du PIB, qui dispose d’équipements de production en grande partie déclassés, qui ne brille guère par sa productivité, qui n’est pas du tout intégré à l’économie mondiale et dont le fonctionnement est, de surcroît, fortement dépendant des recettes d’hydrocarbures.

« Dans son état actuel, l’industrie algérienne n’est pas faite pour gagner des devises mais pour en consommer » affirme, à juste raison, le professeur Benachenhou.

Il n’y a pas de miracle en science économique, insiste t-il : La clé de la relance industrielle est dans la mise en œuvre de réformes systémique aussi rapides que courageuses visant, notamment, à établir un cadre légal stable et à instaurer une bonne fois pour toutes en Algérie les règles universelles de l’économie de marché.

« Il faut absolument mettre fin à l’instabilité juridique et aux changements de cap contreproductifs qui troublent les investisseurs, notamment étrangers et leur font souvent changer d’avis sur des investissements qu’ils avaient l’intention de promouvoir en Algérie » a rappelé avec beaucoup d’insistance ce professeur émérite d’économie qui avait occupé de hautes fonctions politiques et, notamment, celle de ministre des Finances.

Il faudrait en outre, tient-il à ajouter, trouver une bonne fois pour toute une solution au problème de la gouvernance des entreprises publiques qui dans la configuration actuelle ne fonctionnent pas comme des firmes, autrement dit, comme des sujets de droit économique ayant le pouvoir d’entreprendre et l’obligation de résultat.

C’est un vieux problème dont tous nos gouvernants ont conscience, mais qu’ils ont toujours refusé, pour une raison ou une autre, de trancher. La remise des entreprises publiques sous tutelles des ministères et autres grandes institutions publiques, a compliqué encore davantage cet épineux problème de gouvernance.

Elle l’a d’autant plus compliqué que cet arrimage à l’administration centrale s’est fait dans un contexte de profonde régression de l’appareil administratif, de plus en plus, déserté par ses meilleurs cadres, au point de constituer un véritable goulot d’étrangement qui compromet les initiatives managériales et les tentatives de modernisation de la gouvernance.

M.Benachenhou, a aussi évoqué le secteur privé algérien dont il loue la progression démographique mais dont il déplore l’absence d’authentiques entrepreneurs à leurs têtes. « Nous avons des entreprises mais pas d’entrepreneurs » a tenu à affirmer en connaissance de cause ce professeur d’économie qui, faut-il le rappeler, a publié un ouvrage de référence sur le secteur privé algérien.

Pour ce qui est de l’avenir de notre industrie, le professeur Benachenhou a beaucoup insisté sur le fait « qu’il ne faut surtout pas se faire d’illusion sur la possible résorption du chômage au moyen de l’industrie », car l’industrie n’est effectivement plus le gros employeur qu’il était, du temps où l’Etat propriétaire des entreprises publiques, n’était pas regardant sur le rapport coûts/productivité dont doit aujourd’hui tenir compte toute industrie manufacturière qui veut trouver des débouchés sur des marchés soumis à rude concurrence.

Il faut également, souligne le conférencier, éviter l’illusion de l’autarcie qui tend à faire croire que l’Algérie peut tout faire, tout produire et tout vendre. L’économie désormais mondialisée recommande, bien au contraire, la spécialisation. Il ne faut produire que ce que l’on sait faire avec rapport qualité/prix suffisamment compétitif et c’est précisément sur ce principe que l’industrie algérienne doit fonder sa renaissance.

Abedelatif Benachenhou met, enfin, en garde contre l’illusion d’aisance financière dont nos gouvernants ne veulent malheureusement pas se départir. Il faut, dit-il, « se rendre à l’évidence que l’offre de capitaux en provenance du Trésor et des banques, va se rétrécir considérablement, au point que les choix de financement relèveront des plus hautes instances politiques du pays ».

A la fin de son intervention, le conférencier prend toutefois le soin d’émettre quelques lueurs d’espoir quand à un possible sursaut de l’industrie algérienne, pour peu, que nos dirigeants prennent très rapidement les décisions qui s’imposent pour, notamment, doter les entreprises publiques de bons acteurs, autrement dit d’authentiques managers dotés de pouvoirs et d’obligations en matière de gestion, organiser la liberté d’entreprendre, réorganiser le crédit bancaire en instaurant une réelle concurrence interbancaire, faire appel à notre diaspora et à sa composante la mieux rodée aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, ainsi qu’au top management.

Ayant été à l’origine de la création du Fonds de Régulation des Recettes (FRR) qui a permis à l’Algérie d’éponger son endettement extérieur, le professeur Benachenhou, ne pouvait terminer sa conférence sans mettre en garde nos gouvernants sur « la tentation de l’endettement » que pourrait susciter les graves contraintes financières qui s’annoncent. A l’avenir il faudra savoir marier financement par le budget et financement par le marché, pour avoir quelques chances de s’en sortir.

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