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L’Algérie pénalisée par l’abscence d’un authentique marché des changes

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Plus de vingt cinq années après la promulgation de la loi sur la monnaie et le crédit, l’Algérie ne dispose toujours pas d’un  marché des changes fonctionnant selon les règles universellement admises. La Banque d’Algérie devait pourtant s’y employer dés la fin des années 90 avec la  promulgation d’une batterie de textes régissant notamment le marché interbancaire de change et les bureaux de changes. Si les bureaux de change n’ont, à ce jour, pas été autorisés à activer, le marché interbancaire de change a, par contre, entamé ses séances de cotations dès l’année 2000. Cette instance de laquelle on attendait beaucoup en matière de confrontations entre offres et demandes de monnaies pour fixer les parités, n’a malheureusement jamais pu jouer convenablement son rôle, du fait qu’il soit contraint d’agir non pas en tant que place financière autonome mais en tant qu’organe administratif assujetti à la Banque d’Algérie, unique institution du pays à être habilitée à détenir et à alimenter ce marché en devises. Unique pourvoyeur en devises du marché interbancaire de changes, la cotation du dinar par rapport aux monnaies étrangères est surdéterminée par la Banque d’Algérie qui peut faire fluctuer la parité du dinar au gré des conjonctures. De ce fait les parités qui en résultent ne sauraient aucunement refléter l’état des lieux économique et financier qui prévaut en Algérie. Les taux de change qui en émanent sont en effet déconnectés des grands agrégats macroéconomiques (inflation, réserves de changes, balance des paiements etc.) qui sont rarement pris en considération, quand bien même, ces derniers agiraient favorablement sur la santé du dinar. L’accumulation de prés de 200 milliards de dollars de réserves de changes en 2012 et la balance des paiements largement bénéficiaire cette même années n’ont, à titre d’exemples, apporté aucune amélioration notable de la parité du dinar qui est restée très faible par rapport à l’euro et au dollar, nettement.

La logique voudrait en effet, que la valeur d’une monnaie traduise l’état des lieux économique et financier d’un pays et que, par conséquence, mieux ce pays se porte et mieux devrait se porter sa monnaie. Fidel reflet de la santé d’un pays, la dépréciation de sa monnaie, notamment lorsqu’elle est continue, constitue comme on le sait un symptôme évident de dégradation  économique. Ce lien de causalité quasi universel n’a, malheureusement, pas cours en Algérie où l’on constate que mieux l’économie se porte et plus se fragilise sa monnaie. Un examen rétrospectif des taux de change pratiqués au cours de ces quinze dernières années, permet en effet de constater que le dinar était mieux coté dans la décennie 1990, période durant laquelle notre pays se débattait pourtant dans de très graves problèmes socioéconomiques, qu’au cours de ces dernières années d’embellie financière. A titre d’exemple le dollar qui valait à peine 6O dinars en 1997, année où l’Algérie était en proie à une terrible crise de trésorerie et d’endettement, vaut aujourd’hui 100 dinars en moyenne, alors que le pays n’a pratiquement plus de dette extérieure et dispose ,de surcroît, d’une réserve de change encore très importante estimée à plus de 130 milliards de dollars. Une amélioration aussi significative des indicateurs macro-économiques aurait dû, au minimum, empêcher le dinar de glisser, ce qu’à l’évidence, le marché inter bancaire des changes, mû par d’autres considérations que les lois du marché, n’a même pas pu éviter.

Pour quelles raisons, la Banque d’Algérie tient elle à maintenir le dinar en situation de faiblesse, autrement dit, à le sous coter par rapport aux devises et notamment les plus fortes d’entre elles, l’euro et le dollar ? La principale raison que la Banque Centrale algérienne semble appliquer comme un dogme, a trait à la politique monétaire qu’avait imposée le Fonds Monétaire International à l’Etat algérien au plus fort de la crise financière des années 90, en lui recommandant, entre autres, d’avoir un dinar faible qui incitera les sociétés étrangères à investir en Algérie, stimulera les exportations hors hydrocarbures et dopera le budget de l’État par simple conversion en dinars des recettes d’hydrocarbures libellées en dollars.

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Il y a également à la base du maintien du dinar à un niveau bas, la très contestable crainte qu’un dinar fort exacerbe les importations et pénalise les exportations qui, faut il le rappeler, sont aujourd’hui insignifiantes (moins d’un milliard de dollars en 2013) en dépit d’un dinar très faible et, de surcroît, en constante dégringolade. D’où son maintien d’autorité, à un niveau exagérément bas (118 DA pour 1 Euro et environ 100 DA pour 1 dollar) en total déphasage par rapport à la bonne tenue des agrégats les plus significatifs de l’économie algérienne. Il est vrai qu’on voit déjà poindre certains signes avant coureurs d’une crise de liquidités qui se profile sous l’effet du déclin des cours du pétrole mais leur impact sur l’économie reste pour l’instant globalement insignifiant.  L’absence de marché du change, l’interventionnisme de la Banque d’Algérie et les injonctions des autorités politiques (notamment depuis la révision de la loi sur la monnaie et le crédit en 2003) ont fait de la cotation du dinar par rapport aux devises, un acte beaucoup plus administratif qu’économique. Et c’est, précisément, cette ingérence de la sphère politique dans le champ économique et financier qui a perverti le marché interbancaire des changes, au point qu’il n’est aujourd’hui reconnu que par les opérateurs (les importateurs notamment) qui n’ont pas d’autres choix.  Il est en effet de notoriété publique qu’une bonne partie des demandeurs et offreurs de devises, préfèrent s’adresser au marché parallèle de la devises qui brasserait, selon les estimations, environ 2 milliards d’euros par an.

La banque d’Algérie avait en projet un certain nombre d’actions déterminantes pour la mise en place progressive d’un authentique marché des changes en Algérie. Sans doute parce qu’elle ne veut pas que ce marché se développe au point de lui échapper, la Banque d’Algérie ne mettra en œuvre aucune des actions projetées, à commencer par, les guichets de change courants et à terme, dont la réglementation avait pourtant été promulguée en 1998. Actuellement tout semble être fait pour encourager les demandeurs de devises à s’adresser au marché parallèle (insuffisance des allocations voyage, de formation et de soins à l’étranger restées au même niveau depuis plus d’une décennie, difficultés pour les entreprises de lever des crédits convertibles auprès de leurs banques, lenteur des transferts etc.). C’est sans doute pour cela, qu’en dépit des coups de boutoirs que leur portent de temps à autres les services de sécurités, les réseaux de change informels, ne se sont jamais aussi bien portés qu’aujourd’hui et que les taux de change (l’euro a atteint 170 dinars au début du mois de novembre 2015) ont atteint des records jamais égalés. Il est aujourd’hui quasi certain que si les autorités en charge des questions monétaires persistent dans cette manière de gérer la parité du dinar, il est bien évident que notre monnaie n’a aucune chance de se redresser, quand bien même, l’économie du pays enregistrerait, comme ce fut le cas entre 2004 et 2012, les meilleures performances financière de son histoire (prés de 200 milliards de dollars de réserves de change, balances commerciale et des paiements largement excédentaires, faible taux d’inflation etc.). Pour que la valeur d’échange du dinar soit effectivement le reflet de la situation économique du pays, il faudrait que la banque d’Algérie rompe avec la logique bureaucratique dans la quelle a enfermé sa cotation et aille résolument vers la mise en place d’un authentique marché des changes à l’instar de ceux qui existent de par le monde. S’il venait à être constitué, ce marché offrirait de nombreux avantages, parmi lesquels, on peut citer : la disparition du marché parallèle de la devise et des nuisances qui vont avec, la possibilité pour les entreprises d’acheter ou de vendre en toute transparence des devises etc. Les autorités politiques (chef du gouvernement) et monétaires (ministre des finances et banque d’Algérie) ayant, malheureusement, récemment réitérées leur intention de maintenir en place le régime actuel de cotation, il y a, à l’évidence, très peu de chance de voir émerger, à plus ou moins brève échéance, un marché des changes fonctionnant selon les normes universelles. La convertibilité du dinar n’est dons pas pour demain et la seule perspective que nos autorités laissent pour l’instant entrevoir est de stabiliser, pour quelques années encore, le taux de change effectif du dinar par rapport au dollar. Un engagement qu’il ne sera, à l’évidence, pas facile de tenir eu égard à la forte hausse qu’enregistre ces deux dernières années le billet vert, en raison notamment, de la baisse des cours du pétrole.

 

Nordine Grim

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