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M.Traoré Boubacar Sidiki, représentant de la BAD : « Nous pensons que l’Algérie a tous les atouts pour venir frapper un jour, à la porte des pays émergents »

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L’Algérie et la Banque Africaine de Développement entretiennent un partenariat stratégique d’exception depuis 50 ans, M.Traoré Boubacar Sidiki, représentant résident de la BAD, revient, dans cet entretien, en détails sur cette collaboration exemplaire, et sur ses perspectives.

Algérie-Eco : La BAD est présente en Algérie depuis 1971, en quoi consiste sa coopération, son travail en Algérie ?

La banque africaine de développement et l’Algérie, entretiennent des relations exemplaires, depuis 1971. L’Algérie est un de nos grands actionnaires, elle est le 4e grand actionnaire sur 54 pays membres régionaux, et 7e sur les 80 pays membres de la BAD. L’Algérie a toujours été présente en ce qui concerne les augmentations du capital de la BAD, qui s’élève aujourd’hui à 120 milliards de dollars. La BAD a énormément investi en Algérie, notamment durant la période qui s’étale de 1980 à 2004, à hauteur de 3,5 milliards de dollars, dont 43% dans les infrastructures, 22% dans les échanges multinationaux, 11% dans l’agriculture, et 20% dans les lignes de crédit auprès des banques.

Ce qui a permis de financer beaucoup d’activités dans le secteur privé, et continue d’enrichir le tissu industriel algérien. Ceci a duré jusqu’à 2004, où le gouvernement algérien avait décidé de stopper l’endettement extérieur, et rembourser sa dette par anticipation. Depuis, nos relations se basent plus sur l’assistance technique que sur le financement des grands projets.

L’Algérie a recouru dernièrement à un emprunt de 900 millions d’euros, est- ce que cela n’est pas considéré comme un retour à l’endettement extérieur ?

Je pense qu’il faut saluer, la clairvoyance et la sagesse des autorités algériennes, qui ont fait confiance à la BAD,  pour s’engager dans  un endettement prudent et progressif. En réponse à cette requête, la BAD a évalué un programme d’appui à la compétitivité industrielle et énergétique.

Il est important de signaler que ce prêt à été évalué et décaissé la même année, donc en 2016, avec l’accord à l’unanimité des membres du conseil d’administration. Pour nous, c’est une opération historique, qui marque le retour progressif de l’Algérie vers l’endettement extérieur, mais c‘est un endettement stratégique, profondément ancré dans une vision à l’horizon 2035, et dans un cadre d’intervention opérationnelle, soit, le nouveau modèle de croissance économique qui s’appuie sur la trajectoire budgétaire de 2016 à 2019.

Quand vous parlez de vision, vous faites allusion au projet « Vision Algérie 2035 » ? Dans ce sens que pensez-vous des mesures économiques prises par l’Algérie ?

Effectivement, le projet « Vision Algérie 2035 »  se prépare dés maintenant, et cela dénote de la grande résilience de l’Algérie, et ce même durant les années difficiles. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, le taux de croissance de l’Algérie a toujours été positif, autour de 3,5 %à 3,9%, et ce malgré la chute brutale des prix des hydrocarbures, le taux d’inflation demeure relativement bas, et l’endettement extérieur se situe à moins de 2% du PIB, l’un des plus faibles au monde.

A cela s’ajoute une lutte contre le chômage de 10%, avec un gisement important de création d’emploi qui se matérialisera à travers les programmes du gouvernement. C’est précisément cela que la BAD appuie à fond, donc pour accompagner le gouvernement algérien dans cette transition économique vers une économie de croissance et d’émergence, la BAD est entrain de financer une série d’études  sur la diversification économique et une autre étude très importante sur la création d’emploi, qui va viser notamment les jeunes et les femmes. Et ce en plus d’un chantier très avancé, d’une étude sur la création des PME/PMI, et une série d’activités avec le gouvernement algérien visant à améliorer l’environnement et le climat des affaires en Algérie.

Quel est le rôle de la BAD pour accompagner l’Algérie dans ce projet de  vision 2035 ?

Nous pensons que l’Algérie a tous les atouts pour venir frapper un jour, à la porte des pays émergents, comme cela est clairement  inscrit dans la vision 2035, et dans les programmes du gouvernement,  la BAD sera présente aux côtés de l’Algérie pour financer les projets structurants autant dans le secteur public que dans le privé.

Nous appuyons le gouvernement dans la promulgation de la loi sur les PPP (partenariat public/privé), et nous continuerons à appuyer les initiatives du secteur privé. Ceci étant, nous accompagnerons les projets d’une certaine taille,  allant de 5000 dollars, minimum jusqu’à 100 millions et plus, sous réserve d’accord du gouvernement algérien. En outre, les expériences ont montré que pour chaque dollar que la BAD investi, il y’ a un retour de 10 dollars, c‘est vous dire la crédibilité et le capital confiance dont jouit la BAD, auprès des investisseurs, à l’image des décaissements que nous avons effectué l’année dernière, et qui s’élèvent à 6,4 milliards de dollars, dont un milliard pour l’Algérie.la BAD est présente sélectivement dans les programmes d’industrialisation et dans les programmes de transition énergétique

Comment évaluez-vous le forum africain, tenu à Alger en décembre dernier ?

Le forum africain était une excellente initiative, et je vais faire une confidence, la BAD à participé avec la plus forte délégation, avec un financement  à hauteur de 550 000 dollars. Ce qui nous a permis d’établir beaucoup de contacts, notamment avec le FCE, que nous avons accompagné au forum de Bamako, comme nous l’avons fait pour les investisseurs, qui commencent à s’intéresser au marché du  Sud du Sahara, un marché de 450 millions de consommateurs, qui couvre une quinzaine de pays africains. L’Algérie peut faire prévaloir son expérience dans ces pays, notamment dans le domaine énergétique, dans la gestion de l’eau, l’agriculture, et dans la gestion des bidonvilles.

Sur le plan africain, comment voyez-vous, le déploiement économique de l’Algérie en Afrique, vu que les grandes puissances économiques y sont déjà fortement présentes ?

L’Algérie a des atouts indiscutables, notamment en matière de qualité de ses infrastructures, de formation de son potentiel humain,  une des meilleures diaspora  au monde et un secteur privé très dynamique, qui comporte des titans. Elle continue de jouer un rôle pivot dans l’intégration économique régionale, elle a également une position géographique stratégique et une profondeur africaine inégalée, en plus de son potentiel dans la formation des compétences, elle n’a pas à s’inquiéter de cette concurrence.  Pour la BAD, la grande priorité, est d’abord d’alimenter l’Afrique en électricité, sinon on ne peut parler d’industrialisation.

Pour ce faire nous comptons investir 20 à 25 milliards de dollars, en vue d’attirer 200 à 500 milliards de dollars. L’autre priorité est de nourrir l’Afrique, donc nous lançons plusieurs programmes dans l’agro-business, visant à mobiliser plus de 500 milliards de dollars, sur les cinq prochaines années. Par ailleurs, l’Algérie s’est stratégiquement positionnée notamment par la réalisation d’infrastructures de taille, tel que l’autoroute Est- Ouest, et la transsaharienne, et bientôt le grand port centre,  qui sont des investissements très importants, à même de développer l’intégration en Afrique, et favoriser le commerce intra africain.

Les importations et exportations par les ports algériens permettraient de réduire de façon exponentielle les coûts des transactions. A titre d’exemple, le transport des marchandises d’Asie ou d’Europe, vers certains pays du Sahel, passeraient de 45 jours à 12 jours, en passant par la transsaharienne et les ports algériens, c’est énorme.  Pour la BAD, il s’agit de consolider ces acquits, sachant que l’Algérie a déjà financé et réalisé toute la partie algérienne de la route transsaharienne, pour sa part la banque africaine, a mis 200 millions de dollars de financement pour certains tronçons importants, au Niger et au Tchad, dont une partie est réalisé par des entreprises algériennes. A présent il faut trouver des moyens pour donner beaucoup plus de visibilité à ces réalisations, et faire basculer une grande partie des échanges des pays africains vers l’extérieur, en prenant appui sur les avantages comparatifs, qu’offrent les infrastructures algériennes.

Au vu de ce qui précède, ne pensez vous pas, qu’une union africaine pour l’économie,  serait un moyen de rendre le continent plus compétitif,  au concert des nations ?

Contrairement aux chiffres, nos économies sont très intégrées, mais il faut prendre en considération que le secteur de l’informel est tres présent, alors que les statistiques montrent qu’il est tres dynamique, sauf que leurs activités ne sont suffisamment capturées dans les chiffres officiels. L’idée est de voir dans quelles mesures, on pourrait mettre en place des systèmes incitatives, pour ramener graduellement ce secteur vers le formel, et avoir une meilleure réalité de nos économies, et de l’intégration. Je peux vous dire que la plupart des marchés du Sahel sont approvisionnés par les produits algériens, mais ce n’est pas capturé dans les statistiques. Ceci dit, l’intégration marche trés bien en Afrique, à l’image de l’Afrique de l’Ouest, avec les pays de la CDEAO, le COMESA, qui sont des marchés renfermant de centaines de millions de consommateurs.

Dans ce sens, à la BAD, nous avons défini une stratégie pour la banque et pour l’Afrique, et nos collègues de l’union africaine ont établi un plan pour l’Afrique, à l’horizon 2063. L’idée est de voir comment concrètement réaliser ces intégrations, mais en nous appuyant sur des pays pivots, des grandes économies qui vont jouer le rôle de moteur, tel que l’Algérie, l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Egypte, et d’autres.

Effectivement, si ces pays qui ont un énorme potentiel, jouent le rôle de moteur pour aboutir à une économie plus ouverte, plus diversifiée, plus industrialisée, et accorder plus de place pour le secteur privé, alors nous nous dirigerons vers des économies solides et résilientes, à même d’affronter n’importe quelle concurrence, et faire face à n’importe quel choc extérieur.

 Un dernier mot ?

En conclusion, je souhaiterai faire une réflexion sur la qualité du partenariat entre la Banque Africaine Développement et l’Algérie, que je qualifie d’excellente, et j’aimerais dire, que nous n’allons pas nous arrêter à ce qui a déjà été fait d’exceptionnel. La BAD prévoit pour tous les pays d’Afrique du Nord, une enveloppe de 7 à 8 milliards de dollars pour les deux ou trois prochaines années. Bien entendu de ce montant la part du lion reviendra à l’Algérie, et j’insiste sur le fait, que nous allons appuyer les secteurs de l’énergie, l’Agro business, les activités du secteur privé, et évidement les modes de financement structurant, notamment le PPP (partenariat public/privé).

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