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Pr Mebtoul : « Il faut réactiver le Conseil National de l’Energie, seul habilité à tracer la politique énergétique future du pays »

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Dans cet entretien, le professeur des universités, Abderrahmane Mebtoul réagit aux dernières informations sur l’exploitation du gaz de schiste. Selon lui, l’objectif stratégique est de s’insérer dans le cadre de la transition énergétique reposant sur un mix énergétique pouvant être une opportunité face à l’épuisement de ses ressources traditionnelles. Il propose également d’éviter les débats stériles sur ce sujet.

 Algérie-Eco : L’exploitation du gaz de schiste continue d’alimenter les débats. Le Gouvernement plaide la reconstitution des capacités et des réserves énergétiques à long terme en Algérie, et ce, en procédant à l’exploitation d’autres ressources, notamment le gaz de schiste et les énergies renouvelables. Le ministre de l’énergie Mustapha Guitouni a révélé avant-hier que l’exploitation ne se fera que d’ici cinq ans. Quel commentaire faites-vous à ce sujet ?

Abderrahmane Mebtoul : Avant tout, je me félicite que dans une déclaration officielle le 16 octobre 2017, le Ministre de l’Energie reprennent les conclusions du rapport rédigé sous ma direction sur le pétrole et le gaz de schiste , ainsi que les conclusions sur la modification de la loi des hydrocarbures de 2013, et ce assisté de 20 experts nationaux et internationaux pour le gouvernement et remis en janvier 2015  et tranquillise la population, je le cite  : « la nouvelle monture  de la modification  de la loi des hydrocarbures est encore en maturation ,l’avant pas avant juin 2018…..la production du gaz de schiste ne se fera pas avant 5 à 10 ans en attendant les nouvelles techniques  et  que son exploitation ne se fera pas au détriment de l’environnement , se conformant à l’article contenu dans l’ actuelle loi des hydrocarbures de 2013.

Pour l’Algérie, il s‘agit d’être ni contre ni pour ; l’objectif stratégique est de s’insérer dans le cadre de la transition énergétique reposant sur un mix énergétique pouvant être une opportunité face à l’épuisement de ses ressources traditionnelles à l’horizon 2030 mais devant évaluer les opportunités  et les risques sans passion.

Justement, en parlant de ce rapport que vous avez soumis au Gouvernement. Qu’en est-il de ce dernier ?

A la suite de faux débats, j’ai présenté un dossier élaboré sous ma direction  regroupant des experts nationaux et étrangers au Premier ministre le 24 février 2015. De l’avis de la majorité des experts, l’énergie étant au cœur de la sécurité nationale, c’est une opportunité pour l’Algérie, sous réserve de sa rentabilité économique (‘ non rentable actuellement pour l’Algérie, le coût d‘un puits étant estimé entre 15/20 millions de dollars), de la protection de l’environnement et des nappes phréatiques d’eau du Sud. La majorité des experts, notant que ce dossier sensible nécessite une formation pointue posent une problématique sociétale ; une bonne communication en direction de la société.

Pour éviter de perturber la gestion de Sonatrach, société commerciale stratégique, il a été préconisé que ses dirigeants évitent de s’exposer aux débats, devant laisser au ministre, seul habilité politiquement, à exposer ses arguments. À ce titre, il est souhaitable qu’une institution indépendante soit créée. Elle doit également associer la société civile de chaque région, des experts indépendants, des représentants du ministère de l’Energie et d’autres départements ministériels, travaillant en étroite collaboration avec les institutions internationales.

Je rappelle que le Président de la république et le Premier ministre ont tenu à souligner que l’Algérie est à l’ère de l’exploration, et l’exploitation qui ne verra pas le jour avant 2022/2027 sous réserve du respect de l’environnement et de la rentabilité, principes contenus dans la loi des hydrocarbures votée en 2013. Les experts ont tenu à rappeler que le  problème central est de définir le futur modèle de consommation énergétique allant vers un mix énergétique. Il s’agit de ne pas privilégier une énergie aux dépens d’autres, afin de ne pas polluer le paysage médiatique, laisser aux experts le soin de débatte scientifiquement, tenant compte des nouvelles mutations énergétique.

Pourtant des réunions de militants anti-gaz de schiste ont eu lieu samedi 14 octobre dans différentes villes du pays sachant que l’exploration de ce gaz non conventionnel était suspendue depuis d’importantes manifestations en 2015 ?

Vous me donnez l’occasion de dénoncer certains propos d’anti nationalistes que certains voudraient faire porter  aux populations du Sud. Ayant vécu durant les années 1972/1973 en tant qu’officier d’administration pour la route de l’unité africaine  à El Goléa et In Sahah, je peux affirmer que les populations  du Sud tiennent à l’unité nationale et  qu’il faut  savoir uniquement dialoguer  avec ces populations paisibles.

 L’option du gaz de schiste a été  introduite dans la nouvelle loi des hydrocarbures mais avec des garde-fous. Le problème stratégique de l’Algérie est d’éviter les débats stériles. Cette option est une opportunité  face à l’épuisement des réserves -l’énergie étant au cœur de la sécurité nationale- mais doit passer par l’évaluation des risques et la formation, ce qui renvoie globalement  à la gouvernance.

Concernant ce dossier, l’Agence américaine sur l’Energie a estimé que le monde aurait environ 207 billions de mètres cubes. Les gisements de gaz de schiste en Algérie sont situés essentiellement dans les bassins de Mouydir, Ahnet, Berkine-Ghadames, Timimoun, Reggane et Tindouf. Est-ce que ces données sont-elles faibles pour l’Algérie ? Les orientations du Président de la république  sont sans équivoque : l’Algérie est en phase d’exploration et non d’exploitation.

Vous êtes donc avec ceux qui suggèrent d’aller vers la  transition énergétique ?

Effectivement. Pour l’Algérie, il s‘agit d’être ni contre ni pour ; l’objectif stratégique est de s’insérer dans le cadre de la transition énergétique reposant sur un mix énergétique pouvant être une opportunité face à l’épuisement de ses ressources traditionnelles à l’horizon 2030 mais devant évaluer les risques sans passion. Et là on revient à la ressource humaine pilier de tout processus de développement fiable et d’éviter cette mentalité bureaucratique rentière de non maturation des projets surtout pour ce cas stratégique. Car, si l’humanité est passée du charbon aux hydrocarbures ce n’est pas  parce  qu’il n’y avait pas  de charbon dont les réserves mondiales dépassent 200 ans contre 40/50  ans pour le pétrole/gaz  traditionnel mais que grâce à la révolution technologiques la rentabilité économique était meilleure.

La transition  pouvant être définie comme  le passage d’une civilisation humaine construite sur une énergie essentiellement fossile, polluante, abondante, et peu onéreuse, à une civilisation où l’énergie est renouvelable, rare, chère, et moins polluante ayant  pour objectif le remplacement à terme des énergies de stock (pétrole, charbon, gaz, uranium) par les énergies de flux (éolien, solaire, biomasse). Le développement actuel de l’extraction d’énergies fossiles dites « non conventionnelles », telles que les gaz de schistes ou le pétrole off-shore profond, peuvent  repousser  le pic, sans pour autant modifier le caractère épuisable de ces ressources.

D’une manière générale,  l’énergie est au cœur de la souveraineté des Etats et de leurs politiques de sécurité allant parfois à provoquer des guerres. Les avancées techniques (Gnl-gaz  naturel liquéfié, gaz de schiste, amélioration des performances d’exploitation de gisements d’hydrocarbures) couplées aux  dynamiques économiques modifient les rapports de force à l’échelle mondiale  et  affectent également les recompositions  politiques à l’intérieur des Etats comme à l’échelle des espaces régionaux.

En résumé,  il faut pour éviter des débats stériles concernant l’exploitation du gaz de schiste et clarifier plutôt le rôle des institutions chargées de la stratégie énergétique notamment réactiver le conseil national de l’Energie seul habilité à tracer la politique énergétique future du pays.

 

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