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Comment l’Afrique peut-elle devenir un Eldorado du numérique… pour les Africains ?

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À quelles conditions l’Afrique peut-elle gagner le match de la IVe révolution industrielle et devenir un Eldorado du numérique… pour les Africains ? Cette question cruciale a fait l’objet d’une des tables rondes du colloque organisé à Paris le 20 septembre par le Club 2030 Afrique. Le rôle d’une action volontariste des États du Continent y est apparu fondamental…

Ces dernières années, d’un colloque à l’autre, la conviction s’est affirmée selon laquelle le numérique recèle une bonne part des réponses pour transformer les défis de l’Afrique en opportunités de développement. Cette certitude est même devenue un élément de langage clé de la doxa afro-optimiste… Mais il ne suffit pas de disposer d’une « baguette magique », encore faut-il pouvoir la mettre en œuvre. Et si les experts de cette conférence parisienne ne se sont pas trouvés d’accord sur tout, ils n’en ont pas moins esquissé les conditions de la réussite : l’éducation, l’accès élargi à Internet… et la préservation de l’indépendance vis-à-vis des Gafam américains.

 

Un million d’ingénieurs informaticiens nécessaires

« Pour faire face aux défis de 2030, l’Afrique a besoin de 2,5 millions d’ingénieurs et techniciens, dont 1 million d’ingénieurs informaticiens, relève Alexandre Zapolsky, PDG cofondateur de Linagora, le n° 1 français du logiciel libre. Cela représente 65 fois le nombre des diplômés annuels français[autour de 40 000, nombre comparable à celui des diplômés américains, sur un total de près d’1 million d’ingénieurs français recensés en 2016, dont 780 000 en activité, ndlr]. C’est juste impossible, car les infrastructures physiques d’éducation africaines ne permettent pas d’accueillir et de former autant de jeunes. »

Ce qui adviendra en Afrique sera donc obligatoirement différent de ce qui s’est passé en Occident : « Avec les MOOCs, précise Alexandre Zapolsky, il nous faut inventer de nouvelles formes d’éducation, créer une scolarisation dématérialisée », accessible à de très grands nombres d’étudiants… Et ce qui est vrai pour l’éducation l’est aussi pour les autres secteurs : « Il faut bien intégrer, relève le PDG de Linagora, que le numérique est une filière à part entière, et un enjeu transversal à tous les secteurs économiques ».

L’encourageant exemple nigérian

Fatoumata Ba, directrice du marketing du groupe Jumia (n°1 du e-commerce du Continent, surnommé « l’Amazon africain »), revendique un point de vue très pragmatique d’entrepreneur : « Ce que j’attends de l’État, ce sont des choses très basiques, à commencer par l’accès élargi et moins cher à l’Internet – possible aujourd’hui à seulement 20 % d’Africains ». L’exemple nigérian montre que l’avancée peut être très rapide, estime-t-elle, car ce pays est passé en cinq ans à peine de 47 millions d’internautes en 2012 à 97 millions aujourd’hui. 

Mais le désaccord entre ces deux experts, représentant chacun un leader de son secteur, survient lorsqu’ils ont à se prononcer sur une question évoquée par Ousmane Bello, vice-président du Club 2030 Africa : les ressources financières étant limitées, faut-il se réjouir de l’offre gratuite d’accès à Internet, proposée par Facebook ? 

Pragmatisme à effet immédiat ou stratégie de long terme ?

Tandis que Fatoumata Ba déclare « pourquoi pas une première solution, en attendant la solution optimale », Alexandre Zapolsky livre à l’auditoire une analyse à vision stratégique. Citant en exemple l’Inde, qui a déclaré l’accès à Internet comme étant un droit citoyen, et a entrepris d’installer partout des accès Wi-Fi gratuits, Alexandre Zapolsky considère que « les gouvernements d’Afrique doivent privilégier un accès libre et non dégradé à Internet ». 

Selon lui, le laisser-faire dans le numérique consiste à donner une prime irréversible aux leaders américains du secteur. Or, considère-t-il, en Europe comme sur le Continent, il est encore possible d’agir en termes de filière, et particulièrement en Afrique où le marché est encore neuf. Pour le PDG de Linagora, les « États d’Afrique doivent accélérer leur numérisation, car cela provoquera un effet d’amorçage sur l’ensemble des secteurs économiques ». 

Une banque panafricaine pour un écosystème numérique

De même, considérant que dans les fonds dédiés au développement, la part du numérique est encore trop faible, Alexandre Zapolsky préconise la création d’une Banque publique panafricaine d’investissement, dédiée au numérique. « Il faut imaginer un écosystème africain, sinon l’émergence [numérique du Continent] profitera aux seuls acteurs globaux », estime-t-il.

L’enjeu est donc fondamental et conditionne largement l’avenir, vu la place qu’occupe déjà le numérique dans l’économie de certains pays, comme l’a souligné Fatoumata Ba : au Nigeria, il représente 13 % du PIB, tandis qu’au Kenya les activités liées aux télécoms génèrent déjà un tiers du PIB. Et ce n’est qu’un début ! Mais attention, la compétition sera rude : la richesse des Gafam américains (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) est aujourd’hui supérieure à celle du PIB cumulé de toute l’Afrique. 

Khaled Igué veut (aussi) une banque… pour la diaspora

Intervenant en clôture de cette journée de réflexion qui se tenait dans les locaux somptueux du palace The Peninsula Paris, au cœur du triangle d’or de la capitale française, Khaled Igué, le jeune directeur des Relations publiques et institutionnelles de l’OCP Africa et président du Club 2030 Africa, insista lui aussi sur une vision spécifique des enjeux de l’avenir : « Nous devons créer une école de pensée… Il n’y a pas de vision africaine du monde, [pourtant] c’est l’Afrique qui a inventé l’économie sociale. C’est un modèle à diffuser dans le monde, la diaspora peut y contribuer », affirme ce militant reconnu du panafricanisme.

Et Khaled Igué de conclure en réclamant lui aussi la création d’une banque panafricaine, mais dédiée cette fois à la diaspora, afin que celle-ci puisse contribuer plus significativement à l’émergence de l’Afrique.

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