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Privatisations des entreprises publiques : La reprise du processus ne sera pas facile

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Le processus de privatisation engagé non sans difficultés au milieu des années 90 par les ex holdings publics et subitement suspendu par la loi de finance complémentaire pour l’année 2009 a-t-il des chances de reprendre sous la houlette de l’actuel premier ministre Ahmed Ouyahia qui avait, en tant que chef du gouvernement, donné son aval au premier train de privatisation qui s’était soldé, on s’en souvient, par la vente de 450 entreprises publiques.

Au moment où de nombreux pays engageaient des vagues de privatisations affectant les plus grosses sociétés étatiques (cas des pays de l’ex URSS, de la Tunisie et du Maroc par exemples), le gouvernement algérien avait subitement décidé de suspendre au moyen d’une simple loi de finance complémentaire le processus de privatisation qui devait désengager l’Etat algérien d’environ 1200 entreprises publiques économiques dont une bonne partie souffrait de graves problèmes financiers résultants de déficits chroniques.

Sans crier gare les Sociétés de Gestion des participations (SGP) qui venaient de prendre le relai des holdings publics dissous, étaient subitement sommées de mettre fin aux procédures de cessions engagées en faveur de repreneurs nationaux et étrangers, mettant ainsi toutes les parties prenantes aux processus dans l’embarras. Cette saute d’humeur du chef de l’Etat qui avait affirmé contre toute attente lors d’un discours prononcé devant les cadres de la nation en août 2009, s’être trompé de politique économique, se traduira par la promulgation d’une loi de finance complémentaire pour l’année 2009, qui remettra en cause, non seulement, le processus de privatisation mais l’ouverture économique dans son ensemble.

Toute la philosophie des réformes de 1988 était ainsi chamboulée par cette loi de finance complémentaire et celle qui suivra en  2010, qui vont notamment fixer de nouvelles conditions pour les investissements directs étrangers (IDE) avec obligation pour le partenaire national de détenir au minimum 51% du capital, mais plus gravement encore, l’imposition d’une période d’observation de 5 années avant d’autoriser les entreprises privatisables à céder la totalité de leurs actions à leurs repreneurs (article 62). Ces conditions qui s’apparentent à un refus à peine déguisé de ne plus privatiser les entreprises publiques, a du reste rapidement porté ses fruits puisque plus aucun acheteur étranger ne s’est depuis emballé pour l’achat des entreprises qui leur avaient été proposées. La déception était grande chez tous les investisseurs algériens qui s’étaient porté acquéreurs, tant l’instabilité juridique qu’ils détestent par-dessus, venait concrètement de s’installer en Algérie.  Les acquéreurs étrangers se sont quant à eux rapidement envolés vers d’autres pays qui opèrent leurs privatisations  dans de meilleures conditions.

Ce blocage intempestif des privatisations d’actifs publics a empêtré encore d’avantage l’Etat algérien dans la gestion de ces centaines entreprises, pour la plupart en grande détresse économique et financière, auxquelles il doit désormais consacrer des capitaux de plus en plus importants pour les assainir et les recapitaliser. Il est vrai qu’à cette période l’argent du pétrole ne manquait pas et qu’il était donc possible de jouer à jeu ruineux qui coûtera très cher aux finances publiques.

Le maintien sous perfusion (assainissements financiers, recapitalisation, découverts bancaires) aurait selon les estimations couté entre 14 et 16 milliards de dollars au trésor et, par conséquent, aux contribuables. Les privatisations envisagées devaient pourtant, non seulement, dégager l’Etat algérien de ces dépenses aussi colossales qu’inutiles, mais aussi et surtout, lui permettre de collecter d’importantes recettes résultant des ventes de ces entreprises.

Ce désengagement de la sphère marchande devait en outre permettre au gouvernement de porter son attention sur des missions beaucoup nobles et gratifiantes que sont, entre autres, la régulation et la surveillance stratégique. Qu’un Etat continue à être partie prenante dans des entreprises assurant des services publics (transports, santé etc.) cela peut évidemment se comprendre, mais que celui-ci continue à s’immiscer dans la gestion des entreprises qui produisent de banales des marchandises et services (chaussures, boissons, prestations hôtelières etc.), cela est véritablement insensé.

Ceux qui ont pris la décision de mettre brusquement fin aux privatisations des entreprises publiques marchandes ont à l’évidence fait perdre à leur pays, non seulement, beaucoup d’argent mais, également, l’inestimable occasion de sortir l’économie algérienne de l’état de marasme dans lequel ces décisions intempestives l’ont fourvoyée. En effet, alors que l’Etat a tout avantage à céder au privé national et étranger le maximum de ces encombrantes entreprises qui requièrent de lui beaucoup de temps et d’argent, c’est malheureusement à une situation inverse que l’on assiste avec, notamment, la création par les entreprises publiques de nombreuses filiales dont les pouvoirs publics vont devoir s’occuper d’une manière ou d’une autre.

Il faut bien savoir que durant ces dix dernières années se sont pas moins de 12OO nouvelles sociétés filiales que les entreprises publiques économiques, transformées pour la plupart en sociétés de groupes ou holdings ont créé. Comme si le secteur public économique avait peur de disparaître sous l’effet des privatisations que les barons du secteur avaient brandi comme un épouvantail, toutes les EPE sans exception se sont mises à constituer avec l’assentiment des plus hautes autorités de l’Etat, des sociétés filiales pour la plupart sans objet clair, mais surtout, sans avenir. Ce ne sont rien d’autres que des rentes que l’on offre à des amis rentiers.

Il sera dans ces conditions bien difficile de reprendre le train des privatisations tant la longue période de suspension a produit d’effets pervers qui ont considérablement compliqué la donne. Sans remettre en cause la compétence d’Ahmed Ouyahia qui sait parfaitement ce que privatiser veut dire et fait courir comme risques au pays, il parfaitement clair que la partie sera bien difficile pour lui.

Il n’y a pas comme en 1995 des accords avec le FMI derrière lesquels il pourra s’abriter pour justifier les décisions impopulaires ni la crainte du terrorisme pour faire taire le mécontentement des travailleurs qui perdront leurs emplois. C’est dire qu’avec ou sans Ouyahia, le désengagement de l’Etat de la gestion du secteur public économique  ne sera pas pour demain tant il requiert une mise à niveau des lois relatives aux cessions d’actifs publics et un dialogue social constructif qui n’est malheureusement pas permis en cette période d’incertitude politique.

La fin de la gestion clientéliste et rentière de cette profusion d’entreprises publiques n’est, par conséquent, pas envisageable avant de nombreuses années. Par leurs maigres performances économiques et financières ces dernières continueront donc longtemps encore à appauvrir le pays.

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