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Abdelmadjid ATTAR : « La baisse de la demande pétrolière va entraîner une stagnation, sinon une baisse du prix du baril en 2018 »

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La chute drastique des recettes pétrolières a eu un effet choc sur l’économie nationale. Le gouvernement algérien doit réagir en urgence face à cette situation affirme, dans cet entretien, Abdelmadjid ATTAR, expert en économie et ancien P-DG de Sonatrach.

Algérie-Eco: Le ministre de l’énergie Mustapha Guitouni a mis en exergue la volonté du Gouvernement d’œuvrer pour « rendre le cadre d’investissement plus attractif, avec l’objectif d’augmenter les réserves du pays » que pensez-vous de cette démarche? Est ce qu’elle est réalisable ?

Abdelmadjid ATTAR : L’Algérie est en train de faire face à un double défi lié au poids des hydrocarbures sur non seulement, leur rente qui sera encore nécessaire à court et moyen terme pour son développement économique, mais aussi sa sécurité énergétique à moyen et long terme. La chute des recettes pétrolières et la perspective d’une stagnation des réserves en hydrocarbures ou leur diminution sont par conséquent un risque majeur, auquel il faut faire face par des mesures politiques et économiques courageuses et urgentes.

Parmi ces mesures il y a déjà le programme national des énergies renouvelables et celui de l’économie d’énergie, mais cela nécessite aussi d’énormes investissements dont la disponibilité se fera rare dans le contexte actuel.

Il n’y a par conséquent pas d’autre solution pour le moment, que celle qui consiste à adapter le cadre d’investissement et tout faire pour augmenter les réserves en hydrocarbures, ou au moins augmenter la durée de vie de celles qui existent aujourd’hui, y compris en développant tout ce qui est non conventionnel.

L’OPEP prévoit d’une part une baisse de la demande pour sa production à 32,20 millions de barils par jour en 2018, soit 60 000 bpj de moins que cette année alors que le gaz de Schiste américain est une réelle menace. Quelles en seront les conséquences ?

Il n’y a pas que le gaz de schiste mais aussi la production de pétrole de schiste, qui font que les USA sont en train de devenir exportateurs. Mais il ne faut pas non plus croire que la chute du baril est due à ces productions. Le monde est tout simplement en train d’évoluer d’un modèle de consommation énergétique vers un autre complètement différent, soutenu par des progrès technologiques très rapides, qui permettent :

– D’une part, l’entrée en scène des hydrocarbures non conventionnels et il faut rappeler qu’il y a juste un peu plus de dix ans, personne ne pouvait croire que ce type d’hydrocarbures pouvait être exploité de façon commerciale.

– D’autre part, une efficacité énergétique très importante dans tous les usages énergétiques, entraînant une baisse de consommation à tous les niveaux industriels, de transport et domestiques.

– Et enfin l’entrée en scène de sources d’énergie alternatives et compétitives, dites renouvelables (solaire, éolien, etc…), dont la progression est très significative à l’échelle mondiale, notamment dans les pays gros consommateurs d’énergie et importateurs d’hydrocarbures. C’est ce qu’on appelle transition énergétique.

Il ne faut cependant pas croire que les hydrocarbures sont finis, du moins pour les deux prochaines décennies et plus particulièrement le gaz naturel, qui correspond à la ressource la plus propre après les renouvelables, et susceptible d’accompagner ces derniers pour de nombreuses décennies encore à cause des problèmes de stockage d’énergie.

Ajoutez à cela la récession économique mondiale depuis 2008, et la stagnation de la croissance économique qui entraîne aussi moins de consommation énergétique, et vous obtenez le motif de la chute du baril ainsi que ses perspectives à moyen et long terme. La baisse de la demande pétrolière va tout simplement entraîner une stagnation, sinon une baisse du prix du baril en 2018.

Pour la production énergétique, la demande pétrolière mondiale ne va par conséquent croître que très peu ou se stabiliser sur au moins une décennie. Il en sera de même pour le charbon, tandis que l’usage du gaz naturel et des énergies renouvelables poursuivra sa croissance. Mais il y a tellement d’autres usages industriels des hydrocarbures qui ne sont pas prêts de disparaître.

L’Algérie n’arrive pas à sortir de sa dépendance aux hydrocarbures ; des recettes en baisse ; et une consommation nationale croissante de l’énergie. Est-ce qu’il n y a pas urgence à lancer des projets dans le renouvelable ?

Sur le plan énergétique, il est évident que l’Algérie a pris du retard en matière de diversification de sa production d’énergie, mais il ne faut pas croire que ce sont les énergies renouvelables qui vont diminuer cette dépendance (au point de vue économique bien sûr). Le programme ENR nécessite lui même un investissement  colossal qui dépasse les 80 milliards de dollars, et des délais de réalisation qui se comptent en décennies.

L’urgence est par conséquent ailleurs aussi, dans la diversification économique pour créer de nouvelles richesses et de l’emploi, dans l’économie d’énergie qui nécessite non seulement la sensibilisation et la participation de tous les citoyens, mais aussi de nouvelles politiques tarifaires accompagnées d’un ciblage des subventions.

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