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Effets malthusiens de la bureaucratie et de l’informel: L’Algérie perd chaque année plus de 40.000 entreprises

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S’il est vrai que les pouvoirs publics ont déjà pris bon nombre d’initiatives destinées à faciliter la création et le fonctionnement des PME (les mesures incitatives sont nombreuses et les procédures administratives sont  passées de 32 en 2003 à, à peine, une quinzaine aujourd’hui), sur le terrain la bureaucratie continue malheureusement à sévir en torpillant ces bonnes initiatives. 

L’ouverture d’un compte bancaire, l’accès au foncier,  la délivrance d’un permis de construire et de lotir, les branchements à l’électricité, au gaz et à l’eau, continuent aujourd’hui encore à prendre beaucoup de temps. La levée de crédits bancaires et autres commodités indispensables à la survie d’une entreprise nouvellement créée (connexion internet, mises à niveau, missions à l’étranger, etc.) continuent à relever du parcours du combattant, notamment, lorsque la société nouvellement créée est implantée loin de la capitale.

La bureaucratie s’avérera d’autant plus tatillonne que le secteur des PME est fortement dominé par les opérateurs privés, envers lesquels l’administration publique algérienne, continue à entretenir une certaine méfiance, pour ne pas dire, une réelle hostilité.

L’Etat qui n’est aujourd’hui présent qu’à travers quelques centaines d’entreprises publiques qui ne survivent que grâce à de ruineux assainissements financiers a pourtant tout intérêt à concentrer ses efforts sur le secteur privé qui a, au moins, le mérite de produire sans recours à l’argent du trésor, un minimum de valeur ajoutée, contrairement aux entreprises publiques qui font perdre, bon an mal an, au minimum 2 points de PIB au pays.

Mais qu’elles soient publiques ou privées, force est de constater que ce sont surtout les PME, et notamment les plus petites d’entre elles (TPE), qui ont payé le plus lourd tribut à ce mauvais environnement des affaires en raison de leur fragilité patrimoniale, de l’archaïsme de leur gestion et de leur impréparation à la compétition commerciale.

Autant de facteurs qui ont influé sur la mise en faillites ou le changement d’activité forcé de milliers d’entre elles. En effet, bon nombre de ces sociétés qui ne disposent pas des atouts nécessaires pour faire face aux bouleversements économiques mondiaux, devront désormais tenir compte de deux contraintes majeures.

La première de ces contraintes est, on l’a compris, liée à la baisse de la demande intérieure conséquente à la réduction du pouvoir d’achat des consommateurs et à l’intrusion massive de produits étrangers, parmi lesquels d’importants lots d’articles contrefaits défiant toute concurrence. Parce qu’elles ont investi des segments de marché saturés et de surcroît fortement concurrencés par l’informel et la contrebande, de nombreuses PME ont dû, ainsi, se résoudre à changer d’activité pour échapper à la faillite.

Le drame de ces reconversions consiste malheureusement en la transformation forcées d’activités industrielles utiles au le pays, en activités de Bazard consistant à importer des produits finis destinés à être revendus en l’état.

Incapables de se remettre constamment au goût des standards de qualité imposés par les puissantes firmes internationales, les petites et moyennes entreprises de production algériennes, autrefois protégées par les tarifs douaniers, éprouvent aujourd’hui d’énormes difficultés à écouler leurs produits, ne serait-ce que sur le marché national qui leur était autrefois acquis.

La capacité d’entreprendre dans un contexte de concurrence étant étroitement liée à l’innovation qui est, elle-même, fortement dépendante de moyens financiers que très peu d’entreprises algériennes sont en mesure de lui consacrer, on comprend alors la menace que constitue pour notre déjà bien maigre tissu industriel, cette dérive vers l’« Import-Import » à laquelle nous assistons.

Dans cette ambiance peu favorable à la démographie d’entreprises, seules quelques très rares PME bien capitalisées, mais aussi et surtout, bien managées, ont quelques chances de tirer leur épingle du jeu de l’environnement peu propice aux affaires qui règne en Algérie. La faible espérance de vie de nos PME s’explique en grande partie par ce mauvais climat des affaires, que les autorités politiques reconnaissent et dénoncent régulièrement, sans pour autant prendre les mesures radicales qui s’imposent pour l’améliorer.

S’il est, dans les conditions présentes, bien difficile pour un entrepreneur, notamment privé, de maintenir en activité une petite ou moyenne entreprise, il lui sera tout aussi difficile d’en créer une nouvelle. Aux persistants obstacles bureaucratiques qui continuent à empoisonner la vie des chefs d’entreprises vient, en effet, s’ajouter l’instabilité juridique que redoutent par-dessus tous les promoteurs et gestionnaires d’entreprises. Des ordonnances et des lois régissant le monde des affaires sont en effet, depuis ces dix dernières années, subitement remises en cause par de simples dispositions introduites dans des lois de finance complémentaires, mettant en cause le devenir de milliers de jeunes entreprises qui avaient établi leurs business-plans sur la base de la législation en vigueur.

L’obligation de résultats étant la vertu cardinale des petites et moyennes entreprises privées, il est bien évident que des changements aussi subits et nombreux auxquels on assiste depuis ces dix dernières années, sont de nature à inquiéter les promoteurs qui engagent leur propre argent pour créer de nouvelles sociétés ou développer des investissements complémentaires destinés à améliorer leurs performances productives.

On comprend alors pourquoi l’association patronale, le Forum des Chefs d’Entreprises, a inscrit aux premiers rangs des revendications, la stabilité du droit des affaires durant au minimum cinq années. Une doléance à laquelle le gouvernement a fait la sourde oreille en continuant à compliquer chaque année un peu plus la législation par la production d’une profusion de lois souvent confuses et contradictoires.

L’une des conséquences sans doute les plus dramatiques de l’ouverture commerciale opérée durant les premières années de transition mais, plus fortement encore, après la signature de l’accord d’association avec l’Union Européenne, est sans conteste le développement prodigieux de l’économie informelle qui a vu s’ériger, au gré du temps, toute une panoplie d’activités marchandes prospères, fonctionnant hors de la légalité avec leurs propres lois et codes de conduites, mêlant dans bien des cas la débrouillardise et les pratiques mafieuses.

Autant de liberté d’action et d’avantages indus qui les mettent en position de concurrence déloyale envers les sociétés légalement constituées, tenues, quant à elles, de respecter scrupuleusement les lois en vigueur en déclarant leurs chiffres d’affaires, leurs travailleurs, en payant leurs impôts et autres charges, auxquelles les entreprises informelles non déclarées au registre de commerce échappent naturellement. Par les effets découragement qu’il exerce sur les entreprises enregistrées au registre de commerce, l’informel est, non seulement, à l’origine de milliers de faillites mais, plus grave encore, de l’hésitation de très nombreux entrepreneurs en herbe, à se lancer dans le business légal, de crainte d’être torpillés par toute cette faune d’acteurs du marché informel qui graviteront au tour d’eux.

 A l’effet malthusien exercé sur les entreprises par la bureaucratie s’ajoute donc, celui tout aussi néfaste, de l’économie informelle qui priveraient le pays d’environ 30.000 nouvelles naissances d’entreprises légales et feraient disparaître entre 4O et 45.000 petites et moyennes entreprises en activités, chaque année selon des estimations d’experts largement corroborées par les chiffres du Registre de Commerce et l’ enquête sur l’économie nationale réalisée en 2012 par l’ONS.

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