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Détention d’avoirs financiers à l’étranger par des résidents algériens

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La réglementation des changes algérienne est une réglementation de contrôle des plus strictes. Elle a pour objet de contrôler les mouvements de fonds entre l’Algérie et l’étranger dans le but de maintenir l’équilibre de la balance des paiements de l’Algérie.

En effet, l’un des principes de base de la réglementation des changes algérienne est la non-convertibilité de la monnaie nationale. Ainsi, la sortie de capitaux de l’Algérie vers l’étranger est très limitée par la règlementation des changes.

Dans ce contexte, PwC a le plaisir de vous présenter et de développer avec vous des cas de détention d’avoirs à l’étranger par des résidents algériens.

Cas de l’algérien résident en Algérie souhaitant détenir des avoirs à l’étranger à partir de son activité en Algérie :

Dans ce premier cas, il s’agit d’un algérien résident et exerçant une activité en Algérie qui souhaiterait transférer une partie de ses revenus à l’étranger pour acquérir des biens à l’étranger ou bien pour les transférer sur un compte en devises domicilié à l’étranger.

A cet effet, il convient de préciser que l’article 126 de l’ordonnance 03-11 du 26 août 2003 relative à la monnaie et au crédit modifiée et complétée interdit formellement aux résidents la constitution de tout avoir, qu’il soit immobilier, mobilier, fiduciaire ou bancaire, à partir de fonds provenant d’Algérie, sauf autorisation expresse de la Banque d’Algérie.  Une autorisation que celle-ci n’accorde que très rarement et dans le cadre d’investissements à l’étranger.

A ce titre, afin d’expliciter les dispositions relatives à la détention d’avoirs à l’étranger par des résidents, la Banque centrale a publié le 3 février 2007 une prescription spécifique aux règles applicables aux transactions courantes avec l’étranger et aux comptes devises, il s’agit du règlement 07-01 du 03 février 2007, ci-après « règlement 07-01 ». A cet effet, l’article 8 dudit règlement dispose ce qui suit : «Hormis les cas expressément prévus par l’article 126 de l’ordonnance n°03-11 (…), la constitution d’avoirs monétaires, financiers et immobiliers à l’étranger par les résidents à partir de leurs activités en Algérie est interdite».

Au sens du présent règlement, sont considérées comme :

  • résidentes en Algérie : les personnes physiques et morales qui y ont le centre principal de leurs activités économiques ;
  • non-résidentes : les personnes physiques et morales dont le centre principal des activités économiques est situé hors d’Algérie.

Ainsi, il n’est pas autorisé à des résidents ayant le centre principal de leurs activités en Algérie de détenir des avoirs quelles que soient leurs formes (monétaires, financières ou immobilières) à l’étranger à partir de leur activité en Algérie.

Risques encourus en cas de non-respect des dispositions de la règlementation des changes citées ci-dessus

En effet, le non-respect des dispositions prévues par la Banque d’ Algérie, notamment la détention d’avoirs par un résident dont la provenance est liée à des activités réalisées en Algérie peut être qualifiée comme étant une infraction à la réglementation des changes donnant lieu à des sanctions. Les sanctions prévues par l’ordonnance n° 96-22 du 9 juillet 1996 modifiée et complétée relative à la répression de l’infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l’étranger, sont les suivantes :

  • Une peine de prison allant de deux (02) à sept (07) ans ;
  • Une amende qui ne saurait être inférieure au double de la somme sur laquelle a porté l’infraction ;
  • La confiscation du corps du délit et des moyens utilisés.

Cas de l’algérien binational résident à l’étranger souhaitant rentrer en Algérie afin d’y travailler et d’y résider :

Nous allons aborder dans ce deuxième cas, le cas de l’algérien binational qui réside et travaille à l’étranger et qui dispose de biens à l’étranger. Cet algérien souhaite rentrer en Algérie afin d’y travailler et d’y résider.

Plusieurs questions se posent dans ce deuxième cas, notamment : si cet algérien binational qui rentre en Algérie pour y travailler et y résider va se retrouver en contravention avec le règlement 07-01, s’il a pour obligation de déclarer ses biens détenus à l’étranger ou de les rapatrier.

Revenir vivre en Algérie

Les algériens binationaux souhaitant revenir en Algérie pour y vivre et y travailler, peuvent se voir détenir des avoirs hors d’Algérie à condition que ces derniers aient été exclusivement et en totalité constitués par leurs activités réalisées à l’étranger.

Cependant, il y a lieu de préciser que l’algérien binational désirant s’installer en Algérie afin d’y travailler percevra son salaire en totalité en Algérie et ne pourra pas bénéficier de la garantie de transfert de ses revenus de ressources algériennes à l’étranger. Garantie qui est réservée aux travailleurs étrangers percevant leurs salaires en Algérie conformément à l’instruction n° 02-98 du 21 mai 1998 relative au transfert des salaires perçus en Algérie par les travailleurs étrangers.

En effet, bien que le binational dispose d’une deuxième nationalité, la nationalité algérienne prévaut en Algérie.

Ainsi, l’algérien binational en signant un contrat de travail avec une entité de droit algérien afin de travailler en Algérie, percevra son revenu en Algérie et ne pourra pas le transférer à l’étranger afin d’acquérir des avoirs à l’étranger.

Néanmoins, un algérien binational qui s’installe temporairement en Algérie dans le cadre d’un détachement (i.e. il garde son contrat de travail avec l’entité étrangère) pourra percevoir son revenu hors d’Algérie.

Obligation de déclaration des biens détenus à l’étranger ?

Aucune obligation de déclaration des algériens binationaux revenant travailler et résider en Algérie n’est prévue par la réglementation des changes algérienne.

Obligation de rapatriement des avoirs détenus à l’étranger ?

Au regard d’une potentielle obligation de rapatriement des avoirs détenus à l’étranger par des personnes physiques ou morales de résidence algérienne, n’est prévue que l’obligation de rapatriement des revenus réalisés par une activité d’exportation qui sera développée au dernier cas.

Cas de l’algérien résident en Algérie souhaitant investir à l’étranger

Dans ce troisième et dernier cas, nous développerons le cas de l’algérien résident en Algérie désirant investir à l’étranger et transférer des capitaux à l’étranger au titre dudit investissement.

En effet, les opérateurs économiques de droit algérien ont la possibilité depuis la publication du règlement de la banque d’Algérie nº14-04 du 29 septembre 2014 de transférer des capitaux à l’étranger au titre de leur investissement à l’étranger.

Ledit règlement a pour but de faire promouvoir l’activité d’exportation des opérateurs économiques de droit algérien, exerçant dans différents secteurs.

Cependant, l’éligibilité au transfert est assortie de conditions strictes, notamment l’obtention d’une autorisation préalable du Conseil de la Monnaie et du Crédit ainsi que la satisfaction aux exigences suivantes :

  • L’investissement doit être en rapport avec l’activité de l’opérateur économique de droit algérien concerné ;
  • Il doit avoir pour objectif de consolider et de développer cette activité ;
  • Il ne doit pas porter sur des opérations de placements ou sur des biens immobiliers autres que ceux correspondant aux besoins d’exploitation des entités créées à l’étranger ou faisant partie intégrante de leur activité ;

Il doit être envisagé avec un partenaire originaire d’un pays avec lequel les relations économiques et commerciales ne sont frappées d’aucune restriction ;

  • Il doit se faire dans un pays dont le régime fiscal est transparent, et dont l’échange d’informations est autorisé ;
  • Il doit être assuré par les propres moyens de l’opérateur économique algérien ;
  • L’opérateur économique algérien ne doit pas être inscrit au fichier national des fraudeurs et/ou au fichier des contrevenants à la législation et la réglementation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l’étranger ;
  • Sa participation à l’investissement à l’étranger doit être supérieure à 10% des actions votantes composant le capital social de l’entité économique non-résidente.

De plus, ledit investissement à l’étranger doit, inconditionnellement, se faire sous l’une des formes suivantes :

  • Création de société ou de succursale ;
  • Prise de participation dans des sociétés existantes sous formes d’apports en numéraires ou en nature ; ou
  • Ouverture de bureau de représentation.

Une fois l’autorisation d’investissement à l’étranger obtenue, l’opérateur économique de droit algérien doit conformément au règlement mentionné ci-dessus :

  • Veiller à ce que le transfert des fonds à opérer au titre de son investissement s’effectue en fonction des besoins de financement de l’investissement projeté ;
  • Rapatrier dans les délais prévus par la réglementation des changes en vigueur, les revenus générés par l’investissement à l’étranger, ainsi que le produit de cession ou de liquidation de l’investissement à l’étranger ;
  • Fournir à la Direction Générale des Changes de la Banque d’Algérie, dans les délais, le rapport d’activité annuel relatif à l’investissement à l’étranger appuyé des états financiers dûment certifiés par un (ou des) commissaire(s) aux comptes ou tout autre organe habilité à cet effet dans le pays d’accueil de l’investissement à l’étranger autorisé. Ce rapport doit faire ressortir, entre autres, le revenu réalisé par cet investissement ainsi que les justificatifs de son rapatriement effectif en Algérie.

Par ailleurs, le règlement précise que le montant de transfert de capitaux au titre de l’investissement ne saurait excéder la moyenne annuelle des recettes d’exportations, rapatriées dans les délais réglementaires, durant les trois dernières années précédant la demande. Nous comprenons ainsi que l’investisseur à l’étranger doit justifier d’une activité d’exportateur de biens ou de services pendant une durée de 3 ans au minimum.

A cet effet, le délai de rapatriement par les exportateurs de leurs recettes d’exportation a été fixé à 360 jours à compter de la date d’expédition pour les biens ou la date de réalisation pour les services conformément au règlement n°16-04 du 17 novembre 2016 modifiant et complétant le règlement n°07-01 du 03 février 2007 relatif aux règles applicables aux transactions courantes avec l’étranger et aux comptes devises.  

En effet, le nouveau règlement n°16-04 consacre des mesures de  facilitations en faveur des  exportations hors hydrocarbures notamment par un allongement du délai de rapatriement des  recettes d’exportation qui passent ainsi de 180 jours à  360 jours.

En cas de défaut de rapatriement des recettes d’exportation dans ce délai imparti, l’exportateur est non seulement privé de la rétrocession en devises, mais il est aussi passible d’une poursuite judiciaire si ce retard n’est pas justifié.

Cependant, les recettes en devises réalisées dans le cadre d’exportation (hors hydrocarbures et produits miniers) ouvrent droit à inscription aux comptes devises « personnes morales » de l’exportateur d’un pourcentage fixé à 50% du montant rapatrié conformément à l’instruction n° 22-94 du 12 avril 1994.

Sur ces 50% des recettes d’exportation ouvrant droit à inscription au(x) compte(s) devises des personnes morales, un montant en devises limité à 40% peut être utilisé librement à la discrétion de l’exportateur et sous sa responsabilité dans le cadre de la promotion de ses exportations conformément à l’instruction n°05-2011 du 19 octobre 2011.

Ainsi, les exportateurs de biens ou de services (hors hydrocarbures et produits miniers) bénéficient dans le cadre de la promotion de leurs exportations de la possibilité de disposer librement de 20% des recettes d’exportation inscrites sur leur(s) compte(s) devises.

Conclusion :

En résumé, la détention d’avoirs à l’étranger par des résidents en Algérie à partir de leur activité en Algérie reste très limitée, voire interdite. Ainsi, les résidents algériens au sens de la réglementation des changes ne peuvent transférer des avoirs à l’étranger ne sont autorisés que dans de rares cas notamment le transfert de capitaux à l’étranger en vue d’investissement ou en cas de réalisation d’activité à l’export. En pratique il est rare de voir des exportateurs algériens bénéficier de cette possibilité, hormis dans le cas de quelques grands projets.

Lazhar Sahbani & Chafika Abdat

PricewaterCoopers Algeria

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