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Inde: le pari à 13 milliards de dollars du russe Rosneft

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C’est un pari au coût spectaculaire mais à la portée stratégique pour la Russie: en s’emparant avec ses partenaires de l’indien Essar Oil, le pétrolier public russe Rosneft entre en force sur un marché prometteur avec des débouchés dans toute l’Asie.

Le président russe Vladimir Poutine est revenu du sommet des puissances émergentes des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), samedi à Goa, avec l’une des plus grosses transactions réalisées dans le secteur pétrolier en deux ans de plongeon des prix: 12,9 milliards de dollars pour 98% de ce raffineur indien.

Rosneft, dirigé par un proche de longue date de M. Poutine, Igor Setchine, va racheter 49% d’Essar Oil, propriétaire de la raffinerie de Vadinar (ouest), l’une des plus grosses du pays et l’une des plus modernes au monde, avec accès à un port accessible aux cargos les plus imposants. La société indienne, contrôlée jusqu’alors par le groupe Essar des frères milliardaires Ruia, exploite en outre 2.700 stations-service.

Le reste (49%) va être acquis par un groupement d’investisseurs mené par le courtier pétrolier Trafigura, déjà partenaire du groupe russe.

« Rosneft fait son entrée dans l’un des marchés les plus prometteurs et à la croissance la plus rapide dans le monde », s’est félicité Igor Setchine dans un communiqué.

Le groupe russe a souligné en outre que l’usine de Vadinar, très sophistiquée, lui permettrait de traiter le brut extrait de ses projets au Venezuela, lourd et donc difficile à raffiner. Elle pourra aussi servir de base à des exportations vers l’Asie-Pacifique: Indonésie, Vietnam, Philippines et Australie.

Si elle représente pour l’Inde un investissement étranger sans précédent, la transaction constitue pour la Russie « une victoire stratégique importante », a commenté Emily Stromquist, analyste du centre Eurasia Group.

« Elle envoie le message à l’Union européenne et aux Etats-Unis que la Russie dispose de solutions malgré les sanctions (imposées par les Occidentaux au secteur pétrolier russe en général et à Rosneft en particulier, ndlr). Elle offre par ailleurs une possibilité de diversifier les exportations russes au moment où la demande stagne en Europe et croît de manière moins prévisible en Chine », a jugé l’analyste.

Pays de 1,2 milliard d’habitants, l’Inde est le quatrième consommateur mondial d’hydrocarbures avec une demande qui ne cesse d’augmenter. Elle dépend à un rythme croissant des importations de pétrole brut, malgré les mesures des autorités pour encourager les investissements étrangers, et cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement, dominées actuellement par le Proche-Orient.

Des sociétés publiques indiennes ont ainsi acheté cette année près de la moitié de Vankor, l’un des gisements sibériens les plus prometteurs de Rosneft.

« Rosneft ambitionne de se développer comme un groupe énergétique d’envergure mondiale (…) mais les possibilités sont limitées, surtout dans les pays occidentaux », explique à l’AFP Valéri Nesterov, analyste de la banque russe Sberbank CIB.

« Les marchés qui offrent des perspectives se trouvent en Asie », poursuit-il, relevant par ailleurs que Rosneft, société semi-publique, « agit dans les intérêts de l’Etat et développe la coopération avec les pays amis de la Russie ».

Le groupe russe a déjà connu une expansion considérable ces dernières années. Après avoir avalé il y a dix ans les ruines du groupe de l’oligarque emprisonné Mikhaïl Khodorkovski, il a multiplié les acquisitions, et notamment en 2013 le russe TNK-BP pour 55 milliards de dollars.

Assis sur une importante trésorerie préservée par le rouble faible, qui atténue l’effet de l’effondrement des prix du pétrole en dollars, il vient encore de prouver son influence en imposant à un gouvernement réticent la prise de contrôle du numéro six russe, Bachneft que l’Etat voulait privatiser.

A l’échelle internationale, la crise ukrainienne a porté préjudice à sa politique de partenariats noués avec les géants occidentaux, BP, ExxonMobil et Statoil, d’où la nécessité d’investir dans les pays émergents restés à l’écart des sanctions.

Pavel Kushnir, analyste de la Deutsche Bank, n’a pas caché son scepticisme concernant Essar. « Nous ne nous souvenons d’aucun exemple d’acquisition ou d’investissement réussis de la part d’une société énergétique russe à l’étranger », a-t-il relevé, conseillant à Rosneft de « se concentrer sur les investissements en Russie ».

Source : AFP

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