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Mourad Ouchichi, économiste et auteur des « fondements politiques de l’économie rentière » : « L’emprunt obligataire n’a aucune chance de réussir »

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Annoncé par Abdelmalek Sellal et tout de suite appuyé par le FCE, l’emprunt obligataire semble voué à l’échec selon Mourad Ouchichi qui plaide, dans cet entretien, pour « une solution globale ».
M.Sellal a annoncé le lancement d’un emprunt obligataire national en Avril. Qu’est-ce qui motive ce choix selon vous?
Il est évident que le gouvernement est face à une crise économico- financière gravissime, mais on ne le dit qu’à demi-mot et à doses homéopathiques. Le manque de ressources financières est une réalité concrète et non pas une vue d’esprit. Maintenant, face aux problèmes concrets, la solution est-elle fiable ? Tout indique le contraire malheureusement. Tout indique que le gouvernement patauge et fait plus dans l’agitation que dans l’action. Effet de panique ? Possible. Incapacité d’assumer les conséquences politiques de réformes économiques viables ? C’est une certitude. Pour ce qui est de cette histoire d’emprunt obligataire, rappelons qu’avant de faire recours à cette « mesure », le même gouvernement a fait appel à l’introduction volontaire des fortunes douteuses, en tout cas illicites, de l’informel dans le circuit bancaire. Cette dernière s’est soldée par un échec cuisant, de l’aveu même de la direction générale des impôts. En ce qui concerne le lancement de cet emprunt obligataire, deux explications complémentaires peuvent être apportées. Primo, le régime donne l’illusion de l’action et de la maitrise de la situation censées rassurer en premier lieu sa clientèle immédiate et, plus largement, la population. Secundo, le régime semble appliquer le dicton « qui ne tente rien n’a rien ». Cependant, cette opération ne pourra jamais réussir pour au moins trois raisons. Premièrement, l’épargne déjà marginale des ménages ne sera pas mobilisée car insignifiante. Deuxièmement, les agents évoluant dans l’informel ne font initialement pas confiance aux institutions, de là à leur offrir leurs bas de laine ! Enfin, sur le plan strictement économique, le taux offert de 5% est ridicule par rapport aux marges que se permettent ces agents agissant dans l’informel et qui vont jusqu’a 30%. Il est par ailleurs à rappeler que la tendance actuelle est la à la fuite de capitaux, à travers la conversion des dinars en devises sur le marché informel, car les agents économiques sont dans la certitude des lendemains sombres.
A travers cette annonce, le Premier ministre écarte tout recours immédiat à l’endettement extérieur alors que celui-ci a été annoncé comme option il y a à peine quelques semaines. Pourquoi se revirement?
A analyser les différentes annonces du régime à travers son gouvernement on ne peut avoir que deux sentiments : ou bien le régime est dans l’improvisation totale, un tâtonnement et une gestion au jour le jour, ou bien il possède une stratégie de communication hypersophistiquée, ce qui veut dire qu’il prépare petit a petit l’o pinion au pire.
Rappelons qu’on a commencé par nier la crise, ensuite, on nous dit que la crise est là mais qu’elle a des solutions, et depuis quelques temps, on annonce des mesures et leurs contraires : on nous dit qu’on ne fait pas recours à l’endettement mais on fait appel aux chinois pour le financement de la réalisation d’un port à Tipaza, on encourage la Sonalgaz à faire recours aux financements extérieurs…etc. Comment peut-on appeler cela si ce n’est pas de l’endettement extérieur. De plus, il faut dire que M.Sellal n’a jamais écarté le recours à l’endettement extérieur, c’est juste une question de timing.

L’emprunt obligataire est, selon M. Ali Haddad, une « incitation à toutes les personnes disposant de fonds à les injecter dans le circuit formel ». Qu’en pensez-vous ? Les détenteurs de fonds vont-ils réponde à l’appel?
A moins que ça soit son cas. La réponse a cette question à été déjà donné plus haut. A notre avis, cette opération n’a aucune chance de réussir.
Si l’emprunt obligataire venait à échouer, le Gouvernement a-t-il d’autres choix pour pallier à la crise qui est déjà là et qui s’annonce plus dure à l’horizon 2017?
Si les prix internationaux des hydrocarbures ne remontent pas d’ici là, et si on reste avec la même matrice politico-économique, le régime sera face à l’unique solution, qui est l’endettement extérieur, avec l’attente désespérée d’une amélioration des cours du pétrole. Comme au milieu des années 1980, l’histoire se répète. A la différence qu’avec la globalisation financière et les enjeux géopolitiques en cours, l’endettement extérieur sera un levier d’action pouvant atteindre la souveraineté nationale.
Le changement de la monnaie peut-il être une solution pour la récupération des fonds qui circulent dans l’informel?
La solution ne réside pas dans une seule action, elle est globale. Effectivement, le changement de la monnaie est une des solutions, mais elle ne pourra être menée que par un pouvoir légitime, ce qui n’est pas le cas du régime actuel. Ce dernier ne pourra jamais adopter une telle démarche car elle touche, en premier lieu, la clientèle sur laquelle il s’appuie pour sa survie. Le régime est en fait face à un dilemme. D’un côté, il veut une économie productive pour ne pas dépendre du marché international des hydrocarbures, d’un autre, il sait que s’il engage des réformes structurelles profondes, il perdrait le pouvoir économique et, par ricochet, le pouvoir politique.

Nadir Allam

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